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LUTTE ANTICONTREFAÇON : validité du cumul des sanctions de l’amende pénale et de la réparation civile appliquées avec proportionnalité
Veille juridique
25 juin 2025
IMPACT : Devant les juridictions pénales, le juge peut prononcer une amende pénale et y ajouter la confiscation des gains ainsi que l’octroi de dommages-intérêts au profit du titulaire de droits de propriété intellectuelle partie civile à l’instance, en réparation de son préjudice, sans que cela n’entraîne nécessairement une disproportion de la peine.
La Cour de cassation valide ainsi dans son principe des peines allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement, 400.000 euros d’amende et plus de 600.000€ de dommages-intérêts pour des quantités portant sur 315 sacs à main contrefaisants.
- Les faits
Trois personnes physiques ainsi qu’une société sont jugées pour avoir organisé un réseau de fabrication et de vente de sacs à main de luxe portant atteinte à une marque ainsi qu’à des droits d’auteur. Au total, 315 sacs en peau de crocodile contrefaisants ont été identifiés
Les infractions retenues sont notamment la détention, la vente, l’importation et l’exportation en bande organisée, de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, ainsi que la reproduction illicite d’œuvre de l’esprit.
Le 4 octobre 2023, la Cour d’appel de Paris a condamné les prévenus à des peines allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement (dont 1 an avec sursis) et 400.000 € d’amende (dont 200.000 € avec sursis), ainsi qu’à la confiscation du produit de l’infraction (70.000€).
Ils ont également été solidairement condamnés au paiement des dommages-intérêts à hauteur de :
– 601.020 € au titre du bénéfice tiré de la contrefaçon ;
– 24.040 € au titre de la perte de redevances pour le titulaire.
Un pourvoi est formé par les prévenus qui aboutit à une cassation de l’arrêt mais à une validation du principe de cumul des sanctions.
- L’option du titulaire de droit de PI entre la voie civile et la voie pénale
Le Code de la Propriété Intellectuelle contient des dispositions spécifiques prévoyant des peines d’emprisonnement ainsi que des amendes, lesquelles peuvent aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 750.000 euros lorsque les infractions sont commises en bande organisée ou sur un réseau de communication au public en ligne (L.716-9 et suiv. du CPI).
Les titulaires de droits ont ainsi la possibilité d’agir soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions pénales, leur choix se portant généralement devant le juge civil réputé plus généreux en termes d’indemnités et, selon la nature de l’atteinte en cause, parfois plus à même d’apprécier le caractère contrefaisant.
- Le cumul entre dommages-intérêts et amendes pénales
En l’espèce, les prévenus reprochaient à la Cour d’appel de ne pas s’être assurée que le cumul entre les dommages-intérêts, qualifiés de punitifs, et l’amende pénale respectait le principe de proportionnalité issu de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[1].
La chambre criminelle écarte toutefois le moyen en motivant le montant des dommages-intérêts octroyés par les articles L. 331-1-3 et L. 716-4-10 du CPI qui prévoient expressément d’évaluer le préjudice au regard « notamment [des] bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits ou le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels générées par la contrefaçon ».
Elle en conclut que ces montants « ont pour seul objet d’assurer la réparation effective, proportionnée et dissuasive du préjudice causé par les infractions (…) sur la base objective de critères économiques tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit ». Aucun caractère punitif ne peut donc être retenu.
Ces dommages-intérêts peuvent donc, sans disproportion, se cumuler avec des amendes pénales soumises au principe de proportionnalité prévu par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il peut également être rappelé que la Directive 2004/48 relative aux droits de PI prévoit elle aussi un principe de proportionnalité concernant les mesures de réparation.
- La condamnation solidaire pour des faits non personnellement reprochés
Les prévenus reprochent également à la Cour d’appel de les avoir solidairement condamnés, sans établir le lien de causalité entre les faits leur étant personnellement reprochés et le préjudice subi par les parties civiles.
Toutefois, la Cour de cassation juge que la solidarité est motivée par la connexité et l’indivisibilité des infractions qui leur sont respectivement reprochées et retient que « la circonstance que chacun des co-auteurs n’a pas tiré les mêmes bénéfices des infractions entre lesquelles un lien de connexité a été souverainement constaté n’est pas de nature à rompre le lien de causalité existant entre la faute de chacun d’entre eux et le préjudice subi par la partie civile. »
[1] Articles 49.3 et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne