AGENCE COMMERCIALE – L’articulation entre la résiliation du contrat pour faute grave et l’octroi d’un délai de préavis

Type

Veille juridique

Date de publication

12 octobre 2023

Cour d’appel de Rennes, 20 juin 2023, RG 21/04515

Dans un arrêt du 20 juin 2023, la Cour d’appel de Rennes admet que l’octroi d’un préavis à l’agent commercial n’exclut pas, par principe, l’existence d’une faute grave qui lui est imputable.

En l’espèce, une mandante notifie à son agent commercial, la rupture de son contrat, en lui reprochant plusieurs fautes graves. Cependant, elle lui accorde un délai de préavis de 3 mois. Suite à cette notification, l’agent commercial, qui exerce sa profession au sein de société LVD en tant que dirigeant, réclame le versement de l’indemnité compensatrice de fin de contrat à la société mandante. Cette dernière refuse de répondre à ces demandes. Dès lors, la société LVD assigne la société mandante devant le Tribunal de commerce de Nantes, aux fins d’obtenir le règlement de l’indemnité de fin de contrat, ainsi qu’une indemnité liée aux 16 jours de préavis manquant.

Par une décision du 28 juin 2021, le Tribunal de commerce déboute la société LVD de ses demandes d’indemnités de fins de contrat et de préavis. Par conséquent, la société LVD interjette appel.

La société LVD fonde principalement sa demande sur l’article L. 134-12 du code de commerce qui dispose qu’« en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ». La société invoque également l’article L. 134-11 du code de commerce relatif aux modalités de calcul de la durée du préavis.  La mandante s’oppose à ces demandes en invoquant la faute grave commise par l’agent commercial. Elle s’appuie sur l’article L. 134-13 1° qui dispose que l’indemnité prévue à l’article L. 134-12 n’est pas due lorsque « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ».

La question dont était saisie la Cour d’appel de Rennes est celle de savoir si l’octroi d’un préavis par la mandante exclut d’office la résiliation du contrat de l’agent commercial pour faute grave. Ensuite, en cas de compatibilité entre la faute grave et l’octroi d’un délai de préavis, la question se pose de savoir si ce préavis doit être fixé conformément à l’article L. 134-11 du code de commerce.

Sur la première question, la Cour d’appel répond par la négative. Tout d’abord, comme les juges de première instance, elle reconnait l’existence d’une faute grave de l’agent commercial. En l’espèce, cette faute grave est caractérisée par le désintérêt de l’agent commercial envers sa mission, par son attitude, ses propos vulgaires et agressifs à l’encontre des employés de la mandante ainsi que par ses critiques permanentes à l’égard de la politique commerciale de cette dernière.

Ensuite, les juges de la Cour d’appel énoncent que « l’octroi d’un délai de préavis n’exclut pas, par principe, l’existence d’une faute grave imputable à l’agent commercial ». La Cour d’appel ajoute que « l’acceptation d’une exécution du préavis est seulement susceptible de retirer à la faute son caractère de gravité ». Les termes « seulement susceptible » implique donc qu’ilest nécessaire de s’intéresser à la faute reprochée, pour analyser sa compatibilité avec un délai de préavis. En l’espèce, la Cour d’appel retient « qu’au vu de la nature des fautes établies, de leur caractère réitéré, des attaques caractérisés contre le personnel de la société », l’octroi d’un « certain préavis de rupture n’est pas de nature à retirer aux fautes graves leur caractère de gravité ».

Finalement la Cour d’appel retient qu’il n’y a pas lieu d’accorder à la société LVD l’indemnité de fin de contrat qu’elle sollicite.

Sur la deuxième question, la Cour d’appel répond à nouveau par la négative. Elle retient que le fait pour la société mandante, « dans un souci de gestion au mieux de la situation (…) d’accorder un certain préavis ne la contraignait pas à respecter l’ensemble des dispositions légales afférentes au préavis alors qu’en cas de faute grave il n’est que facultatif ». Par conséquent, la société mandante n’était pas soumise aux dispositions de l’article L. 134-11 pour la fixation du délai de préavis. Ainsi, la Cour d’appel déboute la demanderesse de sa demande d’indemnité liée au 16 jours de préavis manquant.

Cette décision renforce la liberté du mandant concernant la fixation des modalités de résiliation du contrat de l’agent commercial, lorsque ce dernier a commis une faute grave.    

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