BASE DE DONNEES – la rubrique dédiée exclusivement aux annonces immobilières du site Leboncoin est une sous-base de données protégeable

Type

Veille juridique

Date de publication

22 juillet 2021

CA Paris, 2 février 2021, Pôle 5, Ch. 1, n°17/17688 – La Cour condamne une société proposant un service payant d’hébergement d’annonces, essentiellement immobilières, qui avait procédé à l’extraction du contenu de la rubrique immobilière du site leboncoin.fr.

Pour rappel, la base de données est définie à l’article L.112-3 du Code de propriété intellectuelle comme « un recueil d’œuvres, de données, ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématiques ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen  ». Elle est protégée par un droit dit sui generis qui interdit toute extraction ou réutilisation non autorisées du contenu de la base.

En l’espèce, la société LBC exploite depuis 2011 le site internet leboncoin.fr qui regroupe des petites annonces présentées par régions, puis par catégories. Elle a assigné la société Entreparticuliers.com qui faisait procéder à l’extraction systématique de la catégorie dédiée aux annonces immobilières grâce à un service de « pige immobilière » qui collecte et transmet quotidiennement à ses abonnés toutes les nouvelles annonces immobilières publiées par les particuliers sur internet.

Insatisfaite du jugement de première instance qui l’avait condamnée pour atteinte au droit sui generis dont la société LBC est titulaire sur le site leboncoin.fr, la société Entreparticuliers.com a interjeté appel.

Tout d’abord, la Cour d’appel a confirmé la qualité de producteur de base de données de la société LBC, peu importe qu’elle n’ait pas exploité le site dès sa création en 2006. Elle a estimé qu’il était démontré l’existence de nouveaux investissements par la société LBC sur le site leboncoin.fr après son acquisition et qu’elle supportait les investissements afférents à l’exploitation du site, ainsi que les risques y afférents.

Par ailleurs, la Cour a écarté le moyen tiré de l’incompatibilité du statut d’hébergeur de la société LBC avec celui de producteur de base de données. Elle a considéré que le droit sui generis est un droit économique qui vise à « encourager et à protéger les investissements dans des systèmes de stockages et de traitement des données  » et qui n’est donc pas incompatible avec le régime juridique de responsabilité atténuée de l’hébergeur.

Ensuite, la Cour d’appel a vérifié si la société LBC justifie d’investissements suffisants pour pouvoir qualifier le site leboncoin.fr de base de données.

En rappelant la position de Cour de justice de l’Union européenne fixée à travers plusieurs arrêts, elle a effectué une triple analyse particulièrement minutieuse. En l’espèce, elle a constaté l’existence d’investissements liés à :

  • la constitution du contenu de la base, à l’exclusion des investissements relatifs à la création de données en tant que telles (production d’un rapport technique, des attestations comptables et des preuves d’investissements liés à des infrastructures informatiques de stockages et de gestion sophistiquées) ;
  • la vérification des données (existence d’une mise en place d’équipes de plusieurs salariés effectuant de véritables contrôles non purement formels des annonces publiées) ;
  • la présentation de la base (mise à jour régulière des règles de catégorisation, de la cartographie numérique ainsi que du design du moteur de recherche).

Par ailleurs, la Cour a souligné qu’il importait peu que les différentes rubriques du site soient subdivisées en sous catégories banales et usuelles, la protection du contenu d’une base par le droit sui generis, ne nécessitant pas une originalité dans la présentation.

Elle en a alors déduit que la sous base « immobilier », laquelle a bénéficié d’investissements substantiels de plus de 4,9 millions d’euros dans des campagnes de publicité ciblées, fait également l’objet d’une protection à part entière par le droit sui generis.

En outre, sur l’extraction des données, la Cour a rappelé que celle-ci doit être substantielle d’un point de vue quantitatif ou qualitatif pour que l’atteinte soit reconnue.

En l’espèce, la Cour a adopté une approche qualitative et a observé que les annonces disponibles sur le site Entreparticuliers.com reprenaient tous les éléments essentiels de l’annonce correspondante du site leboncoin.fr. S’éloignant de l’analyse retenue en première instance, elle a jugé que la présence d’un lien hypertexte permettant, par renvoi à l’annonce initiale, d’obtenir le téléphone de l’annonceur n’était pas exclusif du transfert de la partie substantielle de l’annonce. Elle a en effet constaté que l’extraction prohibée était suffisamment caractérisée puisque toutes les données essentielles (localisation, surface, prix, description et photographie du bien) étaient bien reproduites, à la seule exception de ce numéro téléphonique.

Enfin, la Cour a écarté les arguments de la société Entreparticuliers.com selon lesquels :

  • l’extraction a été opérée non pas sur le site leboncoin.fr mais à partir d’un fichier « de la pige » de la société Directannonces : peu importe que l’extraction soit faite directement à partir de la base d’origine ou d’une copie comme en l’espèce ;
  • la transmission des données a été prétendument effectuée à des fins de seule prospection commerciale : la finalité poursuivie n’est pas pertinente pour retenir l’atteinte à la base de données.

En revanche, la Cour d’appel a estimé que l’extraction ou la réutilisation substantielle du contenu de la base de données leboncoin.fr dans son ensemble n’était pas caractérisée, les constats effectués pour les autres catégories d’annonces (articles vestimentaires, véhicules…) ne justifiant pas d’un « volume important de données par rapport au contenu total de la base » ou « d’investissements ciblés sur ces domaines d’une particulière importance ».

Par conséquent, les juges d’appel ont confirmé la condamnation de première instance (20 000 euros en réparation du préjudice d’image et une mesure de publication) et y ont ajouté le paiement de la somme de 50 000 euros par la société Entreparticuliers.com en réparation du préjudice financier subi par la société LBC en raison de l’atteinte à son droit sui generis sur la sous-base de données « immobilier ».

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