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DESSINS ET MODÈLES – L’EXCEPTION DE DIVULGATION S’APPLIQUE DÈS LORS QUE L’ANTERIORITÉ PRODUIT UNE MÊME IMPRESSION GLOBALE QUE LE DESSIN ENREGISTRÉ
Veille juridique
5 juin 2025
Tribunal de l’Union européenne, 12 mars 2025, T-66/24
IMPACT : Une divulgation antérieure à l’enregistrement d’un dessin ou modèle (DM) est susceptible d’en compromettre la nouveauté ou le caractère propre, sauf si elle relève de l’exception de divulgation. Cette exception permet d’écarter une divulgation antérieure dès lors qu’elle remplit deux conditions :
(i) être réalisée par le créateur ou sous ses instructions, (ii) être intervenue dans les 12 mois précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement.
Dans cet arrêt, le tribunal rappelle que cette exception peut s’appliquer dès lors que le dessin divulgué antérieurement produit la même impression globale que celui enregistré, sans exiger un caractère strictement identique.
- Les faits
La société LIQUIDLEDS LIGHTING CORP (LLC) est titulaire d’un DM communautaire enregistré le 12 janvier 2017 en classe 26.04 pour des « Ampoules d’éclairage à diodes électroluminescentes », représentant une ampoule LED décorative.

Le 25 mars 2021, la société LIDL a formé une demande en nullité de ce DM, invoquant un défaut de nouveauté et de caractère individuel, notamment au regard d’une antériorité.

La société LLC estimait que cette antériorité devait être écartée puisqu’elle bénéficiait de l’exception de divulgation (art. 7§2 du Règlement n°6/2002), tandis que le requérant considérait que l’antériorité n’étant pas identique au DM enregistré, l’exception ne pouvait jouer.
Le Tribunal rejette cette interprétation restrictive. Il justifie cette position en tenant compte à la fois du libellé de l’article 7§2 du Règlement précité, du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par le texte.
- Rappel concernant la charge de la preuve
A l’occasion de cet arrêt, le Tribunal rappelle qu’il appartient au requérant de démontrer que le DM contesté ne remplit pas les conditions de protection.
Il revenait donc au requérant de prouver que le DM était antériorisé par une divulgation au public, preuve qui a été rapportée selon le Tribunal.
Ce n’est qu’une fois cette preuve rapportée qu’il appartenait alors au titulaire du DM de démonter qu’il bénéficiait de l’exception de divulgation prévue à l’article 7§2 du Règlement.
- La divulgation antérieure d’un DM peut bénéficier de l’exception de divulgation dès lors qu’il produit la même impression globale que le DM enregistré
Pour rappel, l’article 7§2 du Règlement met en place une période de grâce de 12 mois durant laquelle le créateur, ou tout ayant-droit ou tiers autorisé, peut divulguer son DM sans se voir opposer un défaut de nouveauté ou de caractère individuel.
En effet, pour être enregistré, le DM doit :
-être nouveau : aucun DM identique ne doit avoir été divulgué au public antérieurement au dépôt (art. 5 du Règlement) ;
– avoir un caractère individuel : l’impression globale qu’il produit doit être différente des DMs antérieures (art. 6 du Règlement).
En l’espèce, le titulaire du DM démontrait que l’antériorité invoquée avait été faite par ses soins dans le délai de grâce, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui être opposée pour annuler son DM.
La société LIDL soutenait toutefois que l’exception de divulgation ne pouvait jouer puisque l’antériorité n’était selon elle pas identique au DM enregistrée.
Le Tribunal a décidé de rejeter cette interprétation de l’article 7§2 du Règlement en jugeant qu’il n’est pas nécessaire que l’antériorité invoquée dans le cadre de l’exception de divulgation soit identique au DM enregistré ; il suffit qu’elle produise la même impression globale.
Le Tribunal motive notamment son raisonnement en rappelant l’objectif du Règlement qui est de « favoriser l’innovation et le développement de nouveaux produits et l’investissement dans leur production » (Considérant 7).
Dès lors, exiger une stricte identité entre le dessin divulgué et celui enregistré irait à l’encontre de cette logique en empêchant les créateurs de tester leurs DMs et d’y apporter si nécessaire des ajustements, avant de les enregistrer.
Cette décision est confortée par le nouveau Règlement n° 2024/2822 – entré en vigueur le 1er mai dernier – lequel prévoit qu’ « il n’est pas tenu compte d’une divulgation si le dessin ou modèle divulgué, qui est identique à un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée au titre d’un dessin ou modèle de l’UE enregistré ou qui ne diffère pas de celui-ci par l’impression globale qu’il produit, a été divulgué au public ».