DROIT D’AUTEUR : L’EXIGENCE EN RÉFÉRÉ DE PROUVER L’ORIGINALITÉ DES ŒUVRES EN CAS DE CONTESTATION

Type

Veille juridique

Date de publication

12 décembre 2025

CA Paris, pôle 5, ch. 1, 1er octobre 2025, n°24/15621

IMPACT : Par cet arrêt, la cour d’appel de Paris a rappelé que lorsqu’une action est fondée sur la contrefaçon de droits d’auteur, la seule invocation, au titre du préjudice, d’un risque d’atteinte à l’image ou à la réputation, ne justifie pas une requalification en action en diffamation relevant de la loi du 29 juillet 1881.

S’agissant de la preuve de l’originalité au stade du référé, la cour a souligné qu’il appartient au demandeur d’établir l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent et de démontrer, avec l’évidence exigée en référé, que les œuvres revendiquées sont protégeables par le droit d’auteur.

  • Les faits

En août 2024, la société JOURS DE PASSIONS, éditrice du magazine JOURS DE CHASSE, a appris que la société LES ARENES s’apprêtait à publier un ouvrage à la rentrée intitulé « Les nouveaux seigneurs », lequel reproduirait, au moins en partie, quatre articles parus dans son magazine et pour lesquels elle revendiquait les droits d’auteur.

Après une mise en demeure infructueuse, la société JOURS DE PASSION a assigné en référé d’heure à heure la société LES ARENES devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir la suspension de la publication de l’ouvrage litigieux et la réparation de son préjudice.

Par ordonnance du 11 septembre 2024, le juge des référés a rejeté l’ensemble des demandes de la société JOURS DE PASSIONS, conduisant celle-ci à interjeter appel.

  • La validité de l’assignation en contrefaçon en présence d’une atteinte à la réputation évoquée au seul stade du préjudice

La société LES ARENES invoquait la nullité de l’assignation en soutenant que la société JOURS DE PASSIONS n’aurait pas respecté les conditions prévues par le droit spécial de la presse et la loi du 29 juillet 1881. Selon elle, l’action en contrefaçon masquait en réalité des griefs tenant à une atteinte à la considération et à la réputation de la société JOURS DE PASSIONS, lesquels relevaient exclusivement du droit de la presse.

La cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance déférée et a rejeté l’argument de la société LES ARENES. Elle a relevé que la société JOURS DE PASSIONS fondait expressément son action sur la contrefaçon des droits d’auteur attachés aux articles publiés dans son magazine JOURS DE CHASSE. Selon la cour, « ce n’est qu’au titre de son préjudice qu’elle invoque un risque d’atteinte à son image et à sa réputation, de sorte qu’il n’y a pas lieu de requalifier son action en diffamation reposant sur la loi de 1881 sur la presse ».

  • La nécessité de démontrer l’originalité au stade du référé en cas de contestation adverse

La cour a rappelé qu’en matière de référé, le demandeur agissant sur le fondement du droit d’auteur, lorsqu’il sollicite des mesures telles que la suspension ou l’arrêt de la commercialisation d’un ouvrage, doit démontrer l’existence soit d’un « dommage imminent » qu’il conviendrait de prévenir, soit d’un « trouble manifestement illicite » qu’il serait nécessaire de faire cesser.

La cour a également précisé qu’il « est acquis que pour apprécier la réalité du dommage ou du trouble allégué, il faut se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision ». Partant, « l’existence d’un trouble manifestement illicite [fondé sur] la reproduction d’articles […] suppose que les œuvres en cause apparaissent, avec l’évidence requise en matière de référé, protégeables par le droit d’auteur ».

A cet égard, la cour a rappelé le principe issu des articles L. 111-1 et suiv. du code de la propriété intellectuelle selon lequel la protection naît du seul fait de la création dès lors qu’une œuvre présente une forme originale. En cas de contestation de l’originalité, il appartient au demandeur d’établir que l’œuvre revendiquée porte « une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité d’un auteur ».

Or, selon la cour, la société JOURS DE PASSION n’avait exposé, ni en première instance ni en appel, « les choix artistiques ou le processus créatif qui auraient présidé à la rédaction de ces articles illustrés de photographies », étant souligné qu’une « description sommaire et purement objective » ne suffit pas à caractériser l’originalité.

Faute de démonstration suffisante, la cour a estimé que l’originalité des articles n’était pas établie avec l’évidence requise en matière de référé, de sorte que le trouble allégué ne pouvait être qualifié de « manifestement illicite ».

La cour a enfin relevé que la société LES ARENES avait rapidement pris « les mesures à sa disposition » pour empêcher la mise en vente de l’ouvrage litigieux et que la nouvelle édition ne comportait plus les reproductions contestées. La cour a conclu que ces « circonstances sont de nature à écarter l’existence d’un tel trouble ».

En l’absence de démonstration de l’originalité des articles et au regard des mesures déjà mises en œuvre, la cour a confirmé que les demandes de la société JOURS DE PASSION ne relevaient pas de la compétence du juge des référés, et a donc confirmé l’ordonnance ayant dit n’y avoir lieu à référé. Dès lors, dans ce type de contentieux, l’issue du litige dépend en partie des éléments fournis par le titulaire des droits pour établir l’empreinte de sa personnalité sur l’œuvre. Ainsi, dans un arrêt du 11 juillet 2025, la 2ᵉ chambre du pôle 5 de la cour d’appel de Paris a considéré que les pièces produites devant le juge des référés révélaient « manifestement l’expression de choix libres et créatifs de son auteur et, à tout le moins, une apparence d’originalité ». Elle en a déduit que, « de manière évidente, l’œuvre litigieuse doit être protégée ».

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