DROIT DES MARQUES – L’exploitant d’une place de marché en ligne peut être tenu responsable des contrefaçons vendues sur sa place de marché

Type

Veille juridique

Date de publication

8 février 2023

CJUE, Grande Chambre, 22 déc. 2022, C-148/21 et C-184/21. En réponse à deux questions préjudicielles posées par les tribunaux luxembourgeois et belges, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que l’exploitant d’une place de marché en ligne tel qu’Amazon peut être tenu directement responsable de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque résultant d’une annonce d’un vendeur tiers sur sa place de marché.

En l’espèce, M. Christian Louboutin, créateur d’escarpins célèbres pour leur semelle extérieure rouge, a constaté que les sites d’Amazon, distributeur et exploitant d’une place de marché en ligne, regorgeaient d’annonces de vendeurs tiers relatives à des chaussures à semelle rouge.

Il a également remarqué qu’Amazon non seulement publiait des annonces sur sa plateforme, mais s’occupait également de la détention, de l’expédition et de la livraison de ces produits. Or, M. Christian Louboutin n’a jamais donné son consentement à la mise en circulation de tels produits.

Considérant qu’Amazon a fait illégalement usage d’un signe identique à sa marque, M. Louboutin a introduit une action en contrefaçon à l’encontre d’Amazon sur le fondement de l’article 9§2.a), du Règlement 2017/1001, devant les tribunaux luxembourgeois et belges.

Ces deux juridictions ont alors interrogé la CJUE sur l’interprétation de cet article, notamment sur le point de savoir si l’exploitant d’une place de marché en ligne pouvait être tenu responsable de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque résultant d’une annonce d’un vendeur tiers sur sa place de marché en ligne.

Dans un arrêt du 22 décembre 2022, la CJUE réunie en Grande Chambre a répondu positivement à la condition qu’« un utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif [….] établit un lien entre les services de [la plateforme] et le signe en question », c’est-à-dire lorsqu’il a l’impression que c’est l’exploitant de ladite plateforme qui « commercialise, en son nom et pour son propre compte, les produits ».

La CJUE fournit alors des précisions sur la manière dont ce lien peut être établi par l’utilisateur entre la plateforme et la marque en cause. Le simple fait de « créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service » n’est pas suffisant pour démontrer l’usage de la marque par l’exploitant.

Il faut démontrer que l’exploitant fait un usage dans le cadre de sa propre communication commerciale qui doit s’entendre comme « toutes formes de communication destinées aux tiers, ayant pour objectif la promotion de son activité, de ses biens et services ou d’indiquer l’exercice d’une telle activité ».

A cet égard, il peut être pris en compte selon la CJUE :

  • Le mode de présentation des offres publiées sur la plateforme : un affichage faisant apparaitre en même temps les annonces de l’exploitant de la plateforme et celles des vendeurs tiers, avec son propre logo tant sur son site Internet que sur l’ensemble de ces annonces, est « susceptible de créer un lien, aux yeux de ces utilisateurs, entre ce signe et les services fournis par ce même exploitant. »
  • la nature et l’ampleur des services fournis par l’exploitant de la plateforme : le traitement des questions des utilisateurs, le stockage, l’expédition des produit ou encore la gestion des retours sont de « nature à faire croire à l’utilisateur que ces produits sont commercialisés par l’exploitant du site en son nom et pour son compte ».

Il reviendra alors aux juridictions nationales d’analyser en détail et en pratique la communication commerciale de la plateforme afin de voir si elle conduit l’utilisateur à établir un lien entre elle et le produit en cause.

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