Le lanceur d’alerte : cadre actuel (1/4)

Type

Veille juridique

Date de publication

1 février 2022

La transposition à venir de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 relative à la protection des personnes signant les violations du droit de l’Union – qui fait en ce moment l’objet de la navette législative au Parlement – est amenée à compléter le dispositif encadrant le statut des lanceurs d’alerte en droit français. Pour présenter la transposition qui devrait paraitre dans le courant du mois de février 2022 le cabinet J.P. Karsenty & Associés revient sur le statut du lanceur d’alerte à travers 4 billets d’actualité. Le premier billet présente le statut du lanceur d’alerte actuellement en vigueur.

Encouragé par le retentissement de scandales comme l’affaire du Mediator, les affaires leaks (Wikileaks, Swissleaks, Luxleaks) ou encore l’affaire des Panama papers, et sous l’influence des droits anglo-saxons et européens, le droit français a progressivement consacré un statut du lanceur d’alerte.

La loi du 9 décembre 2016 dite Sapin II a consacré un véritable statut au lanceur d’alerte, le définissant comme : « tout personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »

L’auteur de l’alerte doit remplir les conditions et respecter la procédure d’alerte suivantes :

Quant à l’information révélée, elle peut concerner indistinctement une infraction, la violation grave et manifeste d’un engagement international pris par la France, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général.

En revanche, aucune protection n’est accordée à celui qui révèle des informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical, ou le secret avocat-client. La divulgation de tels secrets expose en effet son auteur à une atteinte incriminée par le code pénal.

Quant à l’auteur :

  • Il doit s’agir d’une personne physique ;
  • Il doit être désintéressé, c’est-à-dire ne pas tirer un quelconque avantage, notamment financier, de sa dénonciation ;
  • Il doit également être de bonne foi, autrement dit, il doit avoir la croyance véritable que le fait dénoncé est illégal ;
  • Il doit en avoir eu personnellement connaissance de l’information qu’il révèle, il ne peut donc s’agir d’une simple rumeur.

Quant à la forme de l’alerte, le lanceur d’alerte doit respecter la procédure de signalement :

  • L’auteur de l’alerte doit en effet signaler en première intention à son supérieur hiérarchique (la loi impose aux personnes morales de plus de 50 salariés de se doter de procédures d’alerte permettant la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement) ;
  • En l’absence de diligences dans un délai raisonnable, il peut alors s’adresser à l’autorité judiciaire ou administrative ou aux ordres professionnels ;
  • Ce n’est qu’à défaut de traitement par ces personnes, et suite à l’écoulement d’un délai de trois mois, que le signalement peut être rendu public ;
  • Le signalement peut être directement rendu public ou donné au régulateur sans passer par le supérieur hiérarchique, en cas de danger grave et imminent ou de risque de dommages irréversibles.

Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de celui-ci. Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte. La divulgation d’information confidentielles est punie de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

Lorsque l’auteur de l’alerte a respecté les conditions comme la procédure de signalement, il devient alors un lanceur d’alerte, et bénéficie d’une immunité pénale, empêchant toute condamnation pénale à son égard pour la divulgation des faits dénoncés.

Par ailleurs, l’article L1132-3-3 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir témoigné, relaté, ou signalé, de bonne foi, un crime ou un délit dont il a eu personnellement connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Dans le cas où un litige s’élèverait en la matière, le salarié est présumé être de bonne foi et il appartient au défendeur de prouver que la décision de licenciement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte (Soc. 7 juin 2021 n°19-25.754). La mauvaise foi du salarié « ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis  » (Soc., 13 janvier 2021 n° 19-21.138).

De même, la personne visée par l’alerte ne saurait faire l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’un licenciement sur le seul fondement de cette dénonciation.

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