L’exploitation d’une marque communautaire dans un seul Etat membre suffit pour caractériser un usage sérieux

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

18 janvier 2013

Dans une décision du 19 décembre 2012 sur renvoi préjudiciel (n°11/10084), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur l’interprétation de la notion d’ « usage sérieux » au sens de l’article 15 du règlement n°207/2009 sur la marque communautaire (RMC) et notamment sur l’étendue territoriale requise pour caractériser un tel usage.

En l’espèce, la société Leno, titulaire de la marque antérieure communautaire ONEL, avait formé opposition contre le dépôt de la marque OMEL. L’Office Benelux de la propriété intellectuelle avait rejeté cette opposition au motif que la marque ONEL n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période de cinq ans précédant la date de publication du dépôt contesté. La société Leno avait alors formé un recours devant la juridiction nationale néerlandaise.

La question sur laquelle les parties étaient en désaccord était celle de l’étendue géographique de l’obligation d’usage sérieux auquel est soumise la marque afin qu’elle ne soit pas considérée comme déchue. En effet, le titulaire de la marque antérieure ne rapportait la preuve d’un usage sérieux qu’aux Pays-Bas et non sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

L’article 15 du RMC dispose que si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par son titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise à la déchéance.

Cette solution s’explique par la volonté du législateur européen de lutter contre les dépôts parasitaires et de ne protéger que les marques effectivement exploitées.

Le titulaire d’une marque est donc soumis à une obligation d’exploitation du signe dans sa fonction d’indicateur d’origine et pour désigner les produits ou services couverts par l’enregistrement du titre. Cet usage doit avoir lieu sur le territoire de l’Union européenne.

En l’absence de précision du RMC sur l’étendue territoriale de l’usage sérieux, des avis et des décisions divergents ont été rendus. Les Déclarations conjointes du Conseil et de la Commission du 20 octobre 1995 sur le RMC précisent que « le Conseil et la Commission considèrent qu’un usage sérieux au sens de l’article 15 dans un seul pays constitue un usage sérieux dans la Communauté ». Prenant appui sur ces déclarations, les directives relatives aux procédures devant l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) estiment que l’usage sérieux de la marque communautaire sur le territoire d’un seul Etat membre de l’Union suffit à caractériser l’usage sérieux au sens de l’article 15 du RMC (Partie D, section 2 : Procédures relatives à l’annulation, dispositions de fond). Dans le même sens, la division d’annulation de l’OHMI a également reconnu que l’usage sérieux d’une marque dans un seul pays permettait d’échapper à la déchéance (OHMI div. d’annulation, 27 février 2006, aff. 996-C, Rajan Imports Limited).

En France, une même acception de la localisation de l’usage sérieux a été retenue par la Cour d’appel de Paris. Se prononçant sur la demande de déchéance de la marque communautaire BEBE faute d’usage sérieux, la Cour d’appel a décidé dans un arrêt du 24 septembre 2008 que la preuve de l’usage sérieux de la marque BEBE dans un Etat membre de l’Union européenne ? en l’occurrence en Grèce ? ayant été rapportée, la déchéance n’était pas encourue.

En revanche, plusieurs offices des Etats membres se sont prononcés dans un sens contraire, comme l’Office Benelux dans le cas d’espèce.

L’usage sérieux étant une notion autonome du droit de l’Union européenne, il revenait donc à la Cour de justice de veiller à l’interprétation uniforme de son contenu. La Cour adopte une solution pragmatique en énonçant qu’il convient de faire abstraction des frontières des Etats membres et qu’ « il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de ladite marque a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas au juge national d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui lui est soumis, ne peut donc être fixée ».

La Cour se prononce donc pour une appréciation in concreto et au cas par cas par le juge national, qui devra rechercher si l’ensemble des faits et circonstances qui lui sont soumis établissent l’exploitation réelle et sérieuse de la marque.

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