LOI ÉVIN : SANCTION D’UN JEU CONCOURS CONDITIONNÉ À L’ACHAT DE BOISSONS ALCOOLIQUES POUR INCITATION EXCESSIVE À LA CONSOMMATION

Type

Veille juridique

Date de publication

23 juillet 2025

Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre, 2ème section, 22 mai 2025, n°23/00960

IMPACT : Les jeux-concours sont susceptibles d’être qualifiés de publicités illicites dès lors qu’ils conditionnent la participation à l’achat d’une quantité significative de boissons alcooliques, en l’espèce 12 bouteilles de bières, et ce même en l’absence de mise en scène ou de termes valorisants.

  • Les faits

Dans le cadre de ses opérations marketing, la société ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL (ITM), en charge de la politique commerciale du réseau Intermarché, a diffusé du 3 au 16 mai 2021 sur le site internet de l’enseigne, une publicité sous forme de jeu-concours.

L’opération proposait aux internautes de gagner le remboursement de leurs courses, à la condition d’acheter au minimum deux produits de la marque de bières 1664, soit au moins 12 bouteilles de 25 cl.  

La bannière publicitaire affichait notamment les mentions suivantes : « 1 chance sur 25 de gagner. VOS COURSES 100% REMBOURSEES. Dès 2 produits achetés », tout en comportant également la mention obligatoire : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ».

Estimant ce jeu-concours constitutif d’une incitation illicite à la consommation excessive d’alcool, l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) a assigné la société ITM devant le Tribunal judiciaire de Paris le 12 janvier 2023.

  • Le caractère non-intrusif et non-interstitiel de la publicité en ligne

Dans son jugement, le tribunal rappelle que la publicité pour les boissons alcooliques est autorisée sur certains supports, dont les services de communication en ligne, à condition d’une part, qu’ils ne soient pas destinés à la jeunesse ou à la pratique d’un sport, et d’autre part, que la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle.

A cet égard, le tribunal définit le caractère « intrusif » comme qualifiant un « format qui s’impose à l’écran, notamment par le recours aux techniques comme les « pop-up » ou les publicités en « flash », recouvrant une partie d’un site ou sonorisées, sans que l’internaute ne puisse toujours s’en débarrasser. » De la même manière, le tribunal qualifie notamment d’interstitiel « les spots apparaissant en cours de consultation d’une page et occupant tout ou partie de l’écran. »

En l’occurrence, Le tribunal relève que l’ANPAA ne contestait pas la conformité du support, et notamment le point de savoir si la publicité s’adressait à la jeunesse ou à la pratique d’un sport, ou si les bandeaux semblaient intrusifs et/ou interstitiels.

  • L’incitation à une consommation excessive d’alcool

Le tribunal rappelle ensuite que la publicité pour les boissons alcooliques est légale uniquement si elle se conforme strictement aux mentions autorisées par l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique, c’est-à-dire qu’elle doit se limiter à des indications objectives et informatives (degré d’alcool, origine, composition, mode d’élaboration, nom et l’adresse du fabricant, modalités de vente, caractéristiques gustatives et olfactives du produit).

Or, le tribunal relève que « la mention d’une participation à un jeu-concours conditionnée par l’achat d’un minimum de deux packs de six bouteilles de 25 cl de bière minimum – soit 12 bouteilles de 25 cl au minimum » ne correspond ni à une information sur les caractéristiques du produit, ni à une modalité de vente autorisée, mais à une incitation à l’achat.

En effet, « en conditionnant la participation au concours à l’achat d’un minimum de 12 bouteilles de bières, la publicité incite, par là-même à une consommation excessive d’alcool ». Dès lors, il importe peu, selon le tribunal, que la publicité ne comporte ni termes laudatifs, ni mise en scène valorisante, ou qu’elle affiche la mention sanitaire obligatoire.

Ainsi, le seul fait de lier la participation au jeu à un achat d’alcool en quantité significative, en l’espèce, un minimum de deux packs de bières, suffit à caractériser une incitation illicite à la consommation d’alcool, en violation de l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique.

  • L’évaluation du préjudice moral de l’ANPAA

Pour évaluer son préjudice, l’ANPAA soutient que le jeu-concours compromettrait les efforts humains et financiers qu’elle déploie pour prévenir les risques liés à l’alcoolisation, et réclame le versement de 50.000 euros de dommages intérêts. 

Le tribunal finalement retient un préjudice de 20.000 euros au regard notamment de « l’importance et de la portée de la campagne publicitaire, telles qu’elles ressortent des conditions de participation au jeu promotionnel produites » par ITM et du constat de commissaire de justice produit par l’ANPAA.

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