Obligation de sécurité de l’employeur : d’une obligation de résultat à une obligation de moyens renforcée

Type

Droit social

Date de publication

28 décembre 2015

Par un arrêt rendu le 25 novembre 2015 (Cass. soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444), la Cour de cassation procède à un revirement de jurisprudence, en rompant avec la notion d’obligation de sécurité de résultat de l’employeur au profit de celle d’obligation de moyens renforcée.

Depuis les fameux arrêts « Eternit » rendus le 28 février 2002 (Cass. soc. 28 février 2002, n°00-11.793), la Cour de cassation considérait que l’employeur, gardien de la sécurité ainsi que de la santé tant physique que morale de ses salariés, était tenu à leur égard d’une obligation de sécurité de résultat, dont il ne pouvait s’exonérer qu’en démontrant qu’il n’avait pas commis de faute.

C’est précisément ce régime de responsabilité que la Cour de cassation a décidé d’abandonner.

Dans l’affaire ici commentée, un salarié de la société Air France, chef de cabine première classe sur les vols long-courriers, avait été témoin direct des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Cinq ans plus tard, alors qu’il partait pour rejoindre son bord pour un vol, le salarié a été pris d’une crise de panique, et s’est vu délivrer un arrêt de travail.

Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir condamner l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité après les attentats du 11 septembre 2001.

La cour d’appel a rappelé l’ensemble des mesures prises par la société Air France pour assurer le suivi psychologique de ses salariés, et a pu considérer que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité de résultat.

À titre d’exemple, la société avait fait accueillir l’équipage ainsi que le salarié victime, au retour de New York le 11 septembre 2001, par « l’ensemble du personnel médical mobilité pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultation psychiatriques ».
De plus, le salarié avait été déclaré apte lors des visites médicales ayant suivi les attentats et avait exercé sans difficulté ses fonctions pendant un certain temps.
Enfin, la cour d’appel a constaté que les éléments médicaux produits, datés de 2008, étaient « dépourvus de lien avec les évènements dont le salarié avait été témoin ».

Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation.

Or, la Cour de cassation, dans cette décision du 25 novembre 2015, rejette le pourvoi formé par le salarié en approuvant l’appréciation souveraine effectuée par les juges du fond et vient préciser que : « ne méconnait pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».

Plus récemment, la Cour de cassation avait rendu plusieurs arrêts laissant suggérer les prémices d’un revirement concernant l’obligation de sécurité de l’employeur.

Ainsi, par un arrêt inédit en date du 21 mai 2014 (Cass. soc., 21 mai 2014, n°13-12.666), la Cour de cassation reconnaissait déjà que : « l’employeur, qui avait pris les mesures utiles pour assurer la santé et la sécurité de la salariée, n’avait pas manqué à ses obligations ».

Plus encore, par un autre arrêt en date du 11 mars 2015 (Cass. soc., 11 mars 2015, n°13-18.603), la Cour de cassation a accepté d’exonérer un employeur du manquement à l’obligation de sécurité dès lors qu’il pouvait démontrer « avoir tout mis en œuvre pour que le conflit personnel entre les deux salariés puisse se résoudre au mieux des intérêts de l’intéressée ».

Par cet arrêt du 25 novembre 2015, la Cour de cassation affirme sa position en assouplissant incontestablement la rigueur à laquelle l’employeur était soumis.

Désormais, il ne s’agit plus d’une obligation de sécurité de résultat mais d’une obligation de moyens renforcée , c’est-à-dire que c’est au salarié qu’il incombe de démontrer que l’employeur n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires afin d’assurer sa sécurité.

Cependant, cette obligation ne se traduit pas par une exonération systématique de l’employeur puisque celui-ci doit prouver qu’il a pris « toutes les mesures » prévues par le Code du travail.

Ainsi, les employeurs auront tout intérêt à jouer la carte de la prévention en se conformant strictement aux obligations légales en matière de santé et de sécurité au travail.

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