Pratique commerciale trompeuse : l’altération du comportement du consommateur doit être caractérisée

Type

Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation

Date de publication

23 octobre 2017

Le Code de la consommation interdit les pratiques commerciales déloyales, et notamment les pratiques commerciales trompeuses. Ces dispositions, contenues aux articles L 121-1 et suivants de ce code, sont issues de la directive européenne n° 2005/29/CE.

Bien qu’elles aient pour but la protection du consommateur, ces dispositions peuvent être invoquées par des professionnels, victimes de ces pratiques. En effet, une pratique trompeuse peut être source de concurrence déloyale pour un autre professionnel (CA Paris, 11 juin 2014 – n° 13/20700).

C’est ainsi qu’une société productrice de savon de Alep a agi contre une société spécialisée dans la commercialisation de produits cosmétiques en France, qui n’était autre que son ancien distributeur en France. A la suite de la cessation de leurs relations commerciales, le distributeur français a commercialisé un savon sous la dénomination « savon tradition Alep », fabriqué en Tunisie.

Estimant que cette appellation était de nature à tromper le consommateur sur l’origine du produit, et à détourner la clientèle des savons provenant véritablement d’Alep, le producteur, la société Najjar, a assigné le distributeur français, la société Léa, en concurrence déloyale en se fondant sur l’article L. 121-2, 2°, b) du Code de la consommation et l’article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240.

Par un arrêt du 17 février 2015, la cour d’appel de Lyon a prononcé l’interdiction à la société française de poursuivre la vente de son savon sous la dénomination « savon tradition Alep ». Elle a ordonné le rappel du savon commercialisé sous cette dénomination des circuits commerciaux et son retrait du site internet, ainsi que la destruction des packagings du savon reproduisant la mention « savon tradition Alep ».

Pour caractériser le caractère trompeur de la pratique commerciale, la cour d’appel se fondait sur un faisceau d’indices. Elle se fondait notamment sur la similitude de l’emballage avec le véritable savon d’Alep de la société Najjar, « tant par les couleurs, le graphisme et les éléments descriptifs », et sur le caractère très apparent de la ville d’Alep, alors que la mention « Made in Tunisie » ne figurait qu’en petits caractères à l’arrière de l’étiquette.

Ainsi, pour la cour d’appel, l’emballage litigieux est « manifestement » de nature à induire en erreur leurs clients sur l’origine du produit.

La Cour de cassation (Com. 1er mars 2017, n°15-15.448) censure ce raisonnement en relevant que la cour d’appel n’a pas vérifié si les éléments retenus altéraient ou étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.

Cette solution s’inscrit dans une interprétation restrictive de la notion de pratique commerciale trompeuse de la Chambre commerciale. Pour la Cour, la notion implique que la décision d’achat du produit par les consommateurs auxquels s’adresse la publicité litigieuse soit susceptible d’être altérée (Com, 27 avril 2011 – n° 10-15.648). L’analyse s’inscrit également dans l’esprit de la jurisprudence européenne (CJUE 15 mars 2012, C-453/10, Mme PERENICOVA c/ Société SOS FINANC SPOL).

Il est vrai que la rédaction de l’article L. 121-2, 2°, b) du Code de la consommation indique seulement qu’une pratique est trompeuse lorsqu’elle « repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ». On aurait pu en déduire qu’un simple faisceau d’indices était suffisant pour caractériser le caractère trompeur de la pratique. La cour d’appel se fondait en effet sur la présentation du produit et les indications contenues sur l’emballage.

Cependant, en censurant comme elle l’a fait la cour d’appel, la Cour de cassation fait référence à la lettre de l’article L. 121-1 du Code de la consommation.

Ainsi, une pratique commerciale trompeuse est d’abord une pratique commerciale déloyale. La cour d’appel de renvoi devra donc caractériser en quoi les éléments retenus sont de nature à « altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

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