Renonciation au contrat de travail pendant un mandat social : contrat de travail suspendu ou démission ?

Type

Veille juridique

Date de publication

28 juin 2022

 

Dans les faits, un salarié engagé par une société en 1970 en est devenu Directeur Général en 1990. Il a signé un procès-verbal du Conseil d’administration actant sa nomination de mandataire social, et mentionnant qu’il déclarait « renoncer au bénéfice de son contrat de travail et ne plus être rémunéré au titre de ce dernier ». En 2014, il a été révoqué de son mandat de Directeur Général, la société en déduisant qu’ayant démissionné à la signature du procès-verbal en 1990 il n’avait plus de lien avec la société. Or le salarié a soutenu que cette signature ne faisait que suspendre son contrat de travail et qu’à la fin de son mandat social, il devenait à nouveau salarié de la société. A ce titre, il a saisi les juridictions prud’homales afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

La question est de savoir si la mention dans le procès-verbal manifestait une volonté claire, sérieuse et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail, en vertu de la jurisprudence rendue sous l’article L1237-1 du Code du travail, ou si elle ne résultait que du non-cumul des fonctions de mandataire social et des fonctions de salarié.

Par un arrêt du 18 mars 2022 (Cass. soc. n°20-15.113), la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que le contrat de travail d’un salarié investi d’un mandat social exclusif de tout lien de subordination est, en l’absence de convention contraire, suspendu pendant les temps d’exercice du mandat. A l’inverse, si l’intéressé se trouve dans une situation de subordination juridique vis-à-vis de la société, que ses fonctions de salarié sont nettement différentes de ses fonctions de mandataire et qu’une rémunération distincte est versée au titre du contrat de travail, le salarié peut cumuler un mandat social avec un contrat de travail. Ce n’était pas le cas en l’espèce, le principe voulant donc que le contrat de travail soit suspendu pendant le mandat social. Mais le salarié ayant déclaré renoncer au bénéfice de son contrat de travail, avait-il par ce biais annulé la suspension et démissionné ?

Pour la Cour de cassation, la formule inscrite dans le procès-verbal est équivoque en ce qu’elle peut être considérée comme la seule application du principe de non-cumul des fonctions de mandataire social et de salarié. Ainsi elle n’emporte pas renonciation au principe de suspension du contrat de travail et à sa reprise dès la cessation du mandat social.

La position de la Cour de cassation peut sembler contestable au vu de la formulation du procès-verbal, et invite à la prudence afin que la situation corresponde juridiquement à la volonté des parties.

Newsletter

Souscrivez à notre newsletter pour être informé de nos actualités