Rupture brutale : ruptures distinctes et poursuite de la relation après changement de cocontractant

Type

Veille juridique

Date de publication

9 mars 2021

Cass. Com., 10 février 2021, n° 19-15.369, P+B

Article L. 442, I, 2° du code de commerce (ex-article L. 442-6, I, 5°)

Dans sa décision du 10 février 2021 (n° 19-15.369) la Cour de cassation affirme qu’en cas de rupture d’une relation commerciale établie concerne différentes activités il est nécessaire de justifier le délai de préavis accordé à chacune de ces ruptures distinctes. De plus, elle réitère sa jurisprudence désormais constante quant à la poursuite d’une relation commerciale après le changement du cocontractant.

En l’espèce, un donneur d’ordre confie à un transporteur le transport de ses marchandises. La première est mise en redressement judiciaire et cède la totalité de ses actifs, dont une partie au nouveau donneur d’ordre. Ce dernier confie au même transporteur trois types de prestations différentes (dites de « distribution », « tournées » et « locations exclusives »). Après l’échec de leurs négociations quant à l’évolution des tarifs, le cessionnaire met un terme à leurs relations en accordant au transporteur un préavis d’un mois pour les activités de « distribution » et de « locations exclusives » et d’une semaine pour l’activité de « tournée ». Ce dernier intente une action en réparation du préjudice causé par cette rupture qu’il qualifie de brutale.

La cour d’appel (Paris, 28 février 2019) rejette ces demandes. Le transporteur se pourvoit en cassation en invoquant deux moyens : la non-prise en compte de sa relation commerciale avec le cédant dans le calcul du préavis, ainsi que l’absence de considération quant au délai d’une semaine.

1. Sur la question de la poursuite des relations commerciales antérieures

Il est de jurisprudence constante qu’afin d’être considérée comme une continuité de la relation commerciale antérieure conclue avec un partenaire commercial, les parties à la nouvelle relation commerciale doivent faire état de « leur intention de se situer dans la continuation de la relation antérieure » (Paris, 17 septembre 2015, n° 07-12039). En effet, il est admis que la reprise d’une relation antérieure nécessite la preuve que le « cessionnaire avait eu l’intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée entre le cédant et cette société » (Cass. Com., 15 septembre 2015, n° 14-17964).

La reprise ou non est donc centrée autour de « l’intention » des parties de procéder ainsi. Celle-ci peut se manifester sous différentes formes. La Cour de cassation a admis que la référence dans le contrat au préambule du contrat de la relation antérieure permettait à la cour d’appel (Paris, pôle 5, ch. 4, 29 juin 2011, n° 09-17336) d’en déduire que les parties souhaitaient se situer dans la continuation des relations antérieures, affirmation confirmée par d’autres éléments tenant aux faits de l’affaire (Cass. Com., 25 septembre 2012, n° 11-24.301). De même, la reprise par un avenant au contrat de certains engagements issus de la relation antérieure, a permis à la Cour de cassation d’y reconnaître une intention des parties de poursuivre les relations nouées avant le changement de cocontractant (Cass. Com., 29 janvier 2008, n° 07-12.039).

Dans l’affaire commentée, la Cour de cassation suit sa jurisprudence en affirmant que le simple fait qu’un tiers ayant repris une partie de l’activité d’une personne « continue une relation commerciale que celle-ci entretenait précédemment ne suffit pas à établir que c’est la même relation commerciale qui s’est poursuivie avec le partenaire concerné, si ne s’y ajoutent des éléments démontrant que telle était la commune intention des parties » (pt.7). Elle relève que seuls certains éléments ont été cédés au cessionnaire, qu’un nouvel accord sur les tarifs était intervenu et donc que la cour d’appel avait pu retenir que le repreneur n’avait pas poursuivi la relation initiale (pt.8).

2. Sur la nécessité d’évaluer le préavis de chacune des ruptures

En l’espèce, la requérante fait valoir que le juge doit rechercher « pour chacune des ruptures » si le préavis peut être considéré comme suffisant au regard de la durée de la relation. Or elle affirme que la cour d’appel a simplement reconnu la validité des préavis de un mois sans s’expliquer sur celui d’une semaine (pt.10).

La Cour de cassation affirme que la cour d’appel ne pouvait simplement valider la durée des préavis sans « préciser la raison pour laquelle la durée d’une semaine du préavis notifié pour l’activité « tournées » étaient suffisante ». Ainsi, elle affirme qu’en cas de ruptures distinctes d’un ensemble d’activités distinctes il est nécessaire d’étudier chacun des préavis accordés indépendamment. Il n’est pas permis d’en faire une généralité.

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