Rupture conventionnelle : attention aux contextes conflictuels !

Type

Veille juridique

Date de publication

25 novembre 2020

La rupture conventionnelle individuelle est un mode de rupture amiable du contrat de travail dont l’employeur ou le salarié peuvent prendre l’initiative. La rupture conventionnelle étant un contrat de rupture entre l’employeur et le salarié, s’engager dans ce mode de rupture suppose de respecter les conditions de validité de tout contrat, à savoir que les parties aient la capacité de conclure un contrat et que leurs consentements respectifs soient libres et éclairés.

Notamment, l’employeur doit veiller à ce que le consentement du salarié à une rupture conventionnelle soit libre et non vicié, c’est-à-dire que le salarié n’ait pas donné son accord à une rupture conventionnelle par erreur, parce qu’il a subi une violence ou encore du fait d’un dol, cette dernière hypothèse étant rare en pratique.

A défaut, en présence d’un consentement vicié, le salarié est en droit de demander la nullité de la rupture conventionnelle et l’employeur pourra être condamné à lui verser toutes les indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La question du consentement du salarié à la rupture conventionnelle a fait l’objet de décisions récentes dans le cadre desquelles les juridictions se sont montrées enclines à sanctionner par la nullité une rupture conventionnelle signée par le salarié dans un contexte de pression ou de harcèlement :

  • Dans la première décision (Soc. 8 juillet 2020 n°19-15.441) la Cour de cassation a annulé une rupture conventionnelle pour vice du consentement compte tenu du fait que l’employeur avait fait pression sur la salariée dont la compétence n’avait auparavant jamais été mise en cause en lui délivrant deux avertissements successifs et injustifiés, qu’il l’avait dévalorisée et avait dégradé ses conditions de travail, ce qui avait eu des conséquences sur son état de santé, et qu’il l’avait incitée, par les pressions ainsi exercées, à accepter la voie de la rupture conventionnelle.
  • Dans le second arrêt (Cour d’appel de Besançon du 1er septembre 2020 n°18-02192) les juges du fond ont constaté des pressions immédiates exercées par l’employeur sur le salarié ainsi que la détérioration plus ancienne de ses conditions de travail et en ont déduit que les événements antérieurs à la signature de la rupture, compte tenu de l’état fragilisé du salarié, l’ont conduit à signer une rupture conventionnelle alors que sa liberté de consentement était altérée. Pour justifier l’altération de la volonté du salarié, la Cour d’appel se fonde sur la sanction disciplinaire non justifiée prise par l’employeur à l’encontre du salarié, la disparition de l’ordinateur professionnel du salarié dont il a été avisé par SMS ainsi que sur deux certificats médicaux attestant de la fragilité de son état de santé.

Ces deux dernières décisions semblent s’inscrire dans la lignée de l’arrêt du 29 janvier 2020 (n°18-24296) par lequel la Cour de Cassation a affirmé qu’une rupture conventionnelle, même homologuée par la DIRECCTE, peut être annulée par les juges lorsque l’existence du harcèlement moral est actée et que les troubles psychologiques qui découlent d’un tel contexte placent le salarié dans une situation de violence morale altérant sa volonté.

Pour autant, la jurisprudence ne considère pas que l’existence de faits de harcèlement affecte en elle-même la validité d’une rupture conventionnelle (Soc. 23 janvier 2019 n°17-21.550). Le salarié ne peut donc se contenter de faire état d’une telle situation pour remettre en cause la rupture mais doit établir que son consentement était vicié au moment de la signature de la convention en raison des faits de harcèlement.

Cependant, les arrêts récents précités dénotent une sensibilité grandissante des juridictions sur les problématiques de harcèlement moral au travail et de ses conséquences sur la relation de travail et sur sa rupture, et appellent à une grande vigilance dans la mise en œuvre d’une rupture conventionnelle dans un contexte conflictuel.

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