A quelles conditions les pratiques commerciales trompeuses constituent-elles un acte de concurrence déloyale à l’encontre d’un concurrent ? – Arrêts de la chambre commerciale de la Cour de Cassation des 1er mars 2017 (n°15-15448) et 8 juin 2017 (15/22792)

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

15 mars 2018

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de de la Cour de cassation du 1er mars 2017, publié au Bulletin, opposait une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de cosmétiques et notamment d’un savon artisanal fabriqué dans la ville d’Alep au nord de la Syrie, à l’un de ses anciens distributeurs. Postérieurement à la cessation des relations commerciales entre les parties, le distributeur a entrepris de commercialiser un nouveau savon portant la mention « savon tradition Alep », alors que les nouveaux produits distribués étaient fabriqués en Turquie. L’emballage de ce nouveau produit s’est révélé de surcroit présenter des similitudes avec celui fabriqué en Syrie.

Le fabricant a alors assigné en référé son ancien partenaire, pour obtenir le retrait des circuits commerciaux des savons litigieux, en reprochant sur le fondement de l’article 1382 (devenu 1240) du code civil des actes de concurrence déloyale, en raison de pratiques commerciales trompeuses pour le consommateur au sens des dispositions de l’article L. 121-1 du code de la consommation (devenu L 121-2). Cet article prévoit en effet qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ou lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, sa composition, son origine.

La Cour d’appel de Lyon a fait droit aux demandes en référé en estimant que la commercialisation sous la dénomination ‘savon tradition Aiep’ d’un savon fabriqué en Tunisie est de nature à tromper les acheteurs sur l’origine de ce produit, et que la confusion ainsi créée dans l’esprit des consommateurs sur l’origine du produit est constitutive de concurrence déloyale à l’égard de la société qui commercialise des savons d’Alep réellement fabriqués en Syrie.

Au visa des articles des articles L. 121-2, 2°, b du code de la consommation et 1240 du code civil, la haute juridiction casse toutefois l’arrêt d’appel en reprochant aux juges du fond d’avoir statué « sans vérifier si les éléments qu’elle avait retenus altéraient ou étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ».

Rappelons en effet que les pratiques commerciales trompeuses constituent des pratiques commerciales déloyales définies par l’article L 121-1 du code de la consommation (ancien article L120-1) comme étant contraires aux exigences de la diligence professionnelle et comme étant de nature à altérer ou susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard du bien ou service.

Il a déjà été relevé en outre par les juges du fond (Cf. notamment CA Paris 21 mai 2014 data 2014-011622) que la violation des articles L 121-1 et suivants du code de la consommation qui sont avant tout destinés à protéger le consommateur « peut constituer une faute de concurrence déloyale invocable entre concurrents, car le non-respect d’une règle peut constituer un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent ». Toutefois « lorsque la faute, dont il est demandé réparation sur le fondement de la concurrence déloyale, est identifiée à une pratique commerciale déloyale de l’article L 120-1 du code la consommation, comme par exemple, en cas de publicité trompeuse d’un produit ou service, il est nécessaire, pour la société qui s’en prétend victime, de démontrer qu’elle est susceptible d’altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard de ce bien ou de ce service ».

Dans un arrêt du 8 juin 2017 (15/22792), la Cour de Cassation est venue toutefois préciser qu’une cour d’appel ne pouvait écarter des demandes formées au titre des pratiques commerciales trompeuses, au motif que le demandeur ne rapporte pas la preuve d’une altération substantielle du comportement économique du consommateur moyen, « sans rechercher si la pratique en cause était susceptible d’entraîner une telle altération » en le conduisant à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Il résulte en effet de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 (Cf. article 2 –e) qu’une pratique litigieuse altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, lorsqu’elle compromet sensiblement son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause et l’amène à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Cette preuve serait tout de même particulièrement délicate à rapporter si l’on devait considérer que la confusion possible dans l’esprit du consommateur n’est pas suffisante à elle seule pour l’établir. Il reste donc à attendre de savoir comment les juges du fond entendent apprécier la preuve d’une altération ou d’un risque d’altération du comportement économique du consommateur moyen.

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