La reprise de l’idée ou du concept d’un concurrent est-elle punissable sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitisme ? Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 2017 n°14.20310

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

15 mars 2018

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation du 22 juin 2017, un ancien licencié se voyait reprocher d’avoir décliné le concept d’un titulaire de marques, consistant à apposer sur des étiquettes de bouteilles de vin, pour identifier des mets par référence aux vins auxquels ils sont associés, un dessin associé à une mention trilingue ; « poulet chicken pollo », « poisson fish pesce », «agneau lamb agnello » etc.

Il était ainsi fait grief à l’ancien partenaire commercial d’avoir repris à son compte le concept à l’identique pour d’autres mets, en produisant de nouveaux dessins et en reprenant la combinaison trilingue « dinde turkey pavo » dans le style propre à l’auteur.

La Cour d’appel de Paris a reconnu l’existence d’agissements parasitaires en relevant qu’en poursuivant le concept créé par le demandeur, l’ancien licencié « s’est approprié une façon innovante de représenter sur une bouteille de vin un dessin décoratif suggérant de façon ludique l’association du breuvage à un plat et qu’il a ainsi, en étendant ce concept, cherché à profiter sans bourse délier de son succès économique, à son seul avantage et au mépris des intérêts » du demandeur.

La chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 juin 2017 casse l’arrêt pour violation de l’article 1240 du code civil en relevant que « les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme ».

Cette décision est à mettre en perspective avec une décision, qui pourrait sembler contraire, de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 24 novembre 2015 (n° 14-16806) qui a approuvé la condamnation de la société PEPSICO France, cette fois sur le fondement de la concurrence déloyale, pour avoir repris « l’idée publicitaire » de la société Andros consistant à représenter à la fin d’un film publicitaire, un fruit en gros plan sur lequel est apposée une étiquette comportant la marque Andros.

En dépit de l’utilisation de marque et de fruit différents, la Cour a estimé que l’image en gros plan d’un fruit orné d’une étiquette est associée à l’identité visuelle et publicitaire d’Andros (« l’idée publicitaire d’associer un fruit et la marque d’un fabricant du produit fini pour désigner des jus de fruit ou des desserts fruitiers n’est pas usuelle mais distinctive des produits de cette société par son usage ininterrompu depuis 1988 ») et que les ressemblances conceptuelles entre les spots publicitaires étaient suffisantes pour engendrer un risque de confusion sanctionnable au titre de l’article 1240 du code civil.

Ces décisions rendues sur un fondement textuel identique (1240 du code civil), tout en statuant sur des griefs distincts (parasitisme indifférent au risque de confusion / concurrence déloyale qui suppose d’établir un tel risque) ne sont peut-être pas totalement inconciliables.

En effet, si le simple fait de reprendre l’idée ou le concept de son concurrent ne constitue pas une faute au sens de l’article 1240 du code civil, les idées étant de libre parcours, il peut le devenir si l’idée en cause est de nature à identifier auprès du public son auteur (du fait notamment d’un usage intensif et constant) et qu’il représente une valeur économique certaine de l’entreprise au travers des investissements qu’il a nécessités, de sorte que la reprise de cette idée qui génère un risque de confusion ou qui traduit le détournement d’investissements certains, peut être de nature à constituer une faute.

Newsletter

Souscrivez à notre newsletter pour être informé de nos actualités