DROIT D’AUTEUR – Absence d’originalité pour un selfie pris par une influenceuse dans un ascenceur

Type

Veille juridique

Date de publication

7 décembre 2023

CA Paris, 12 mai 2023, 21/16270. La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans lequel elle a jugé qu’un selfie d’une influenceuse pris dans un ascenseur ne peut être protégé ni au titre du droit d’auteur en l’absence d’originalité, ni au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Une influenceuse a publié sur les réseaux sociaux et sur son blog des selfies réalisés dans un ascenseur avec son chien afin de montrer ses tenues, renvoyant à des liens permettant d’en faire l’achat.

La société MAJE a lancé une campagne publicitaire intitulée « Maje, my dog and I » qui, selon l’influenceuse, reprenait les caractéristiques essentielles de ses selfies, ce d’autant que le mannequin choisi par la société lui ressemblait. Une action en justice sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur et de la concurrence déloyale et parasitaire a été engagée par l’influenceuse.

Le jugement de première instance a débouté l’influenceuse de ses demandes fondées sur le droit d’auteur mais condamné la société MAJE à 1.000 euros au titre du préjudice matériel et 4.000 euros au titre du préjudice moral subi sur le fondement du parasitisme.

Les deux parties ont interjeté appel de la décision.

S’agissant de la contrefaçon de droit d’auteur, la Cour d’appel a relevé que la photographie ne figurait pas sur le profil public de l’influenceuse et ne faisait partie que d’une « story » qui est par définition éphémère. Il était toutefois démontré par plusieurs attestations d’abonnées de l’influenceuse que la photographie avait bien été diffusée auprès du public.

Concernant l’originalité du selfie, la Cour a rappelé que l’auteur devait identifier les « éléments traduisant sa personnalité » et indiquer « précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte ».

La Cour a alors relevé que l’influenceuse se contentait de décrire la photographie sans expliquer les raisons ayant motivé ses choix et qu’elle ne démontrait pas en quoi les réglages qu’elle a effectués lui étaient propres, le selfie se contentait de reproduire « l’éclairage artificiel de l’ascenseur ».

De plus, la Cour a relevé que « le fait de se mettre en scène et de se photographier dans une cage d’ascenseur selon la technique dite du selfie accompagné d’un chien était déjà connu sur les réseaux sociaux (…) » sur des comptes bénéficiant d’une audience beaucoup plus étendue.

La Cour a alors considéré qu’un « rituel quotidien (…) pour présenter les tenues » ne caractérise pas l’originalité de la photographie, l’influenceuse « ne pouvant s’approprier ce style ».

Elle en a donc logiquement conclu que l’influenceuse « échoue à établir les choix arbitraires qu’elle a fait quant à la mise en scène, les jeux de contraste, les effets de lumière, le positionnement des éléments ou le travail de postproduction/retouche » et a rejeté sa demande en contrefaçon.

S’agissant de la concurrence déloyale et du parasitisme, la Cour a estimé que « le fait d’utiliser une photographie qui présenterait des ressemblances avec le cliché posté antérieurement sur Instagram n’est pas fautif » et ne constitue pas un comportement déloyal
de la société Maje qui ne fait que s’inscrire dans les tendances actuelles.

En outre, le fait que des abonnés du compte Instagram de l’influenceuse aient cru la reconnaître sur la photographie litigieuse ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, car le risque de confusion invoqué concerne la personne de l’influenceuse et non les services qu’elle offre dans le cadre de son activité professionnelle.

La Cour d’appel a également noté que la notoriété de l’influenceuse sur Instagram est relative, avec un faible taux d’engagement et une audience limitée.

Enfin, s’agissant du parasitisme, la Cour a écarté ce moyen pour les mêmes raisons, en ajoutant que l’influenceuse n’avait pas établi avoir effectué des investissements liés à ce visuel et échoue donc à démontrer une notoriété ou une valeur économique individualisée.

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