DROIT D’AUTEUR – Appréciation de la notion de communication au public de l’œuvre en cas de transmission à titre de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire

Type

Veille juridique

Date de publication

10 février 2021

CJUE, 28 octobre 2020, C-637/19, BY c/ CX – La communication au public ne couvre pas la transmission d’une œuvre protégée, par voie électronique, à une juridiction, à titre d’élément de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire entre particuliers, et celle-ci ne peut donc être poursuivie par le titulaire de droits, sauf à compromettre sérieusement le droit à un recours effectif.

Dans cette affaire, deux personnes physiques, gérant chacune un site internet, étaient en conflit devant la juridiction civile suédoise. Le défendeur a produit la copie d’une page de texte contenant une photographie, tirée du site internet du demandeur. Cet élément a été transmis à la juridiction à titre de preuve, au soutien de sa défense. Le demandeur a invoqué des droits d’auteur sur la photographie, et a soutenu que cet envoi à la juridiction constituait un acte de contrefaçon justifiant le versement de dommages et intérêts.

La Cour d’appel de Stockholm a interrogé la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) afin de déterminer si la transmission par voie électronique d’une photographie dans le cadre d’une procédure est susceptible de constituer une mise à disposition non autorisée d’une œuvre, autrement dit un acte de distribution au public au sens de l’article 4.1 de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, ou un acte de communication au public au sens de l’article 3.1 de cette même directive.

Tout d’abord, la Cour rappelle que la communication au public d’une œuvre, autrement que sous forme d’une distribution de copies physiques, relève uniquement de la notion de communication au public.

Ensuite, la Cour revient ainsi sur les conditions de caractérisation de cette notion qui selon sa jurisprudence constante nécessite la réunion de deux éléments cumulatifs : un acte de communication d’une œuvre et la communication réalisée à destination d’un public.

Premièrement, la Cour considère que la transmission par voie électronique d’une œuvre protégée à une juridiction à titre d’élément de preuve, est un acte de communication d’une œuvre, laquelle se définit comme « tout acte par lequel un utilisateur donne, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, accès à des œuvres protégées  ».

En second lieu, la Cour rappelle que la notion de public correspond à un « nombre indéterminé de destinataires potentiels » relativement important, autrement dit l’œuvre ne doit pas seulement être rendue accessible à des personnes déterminées appartenant à un groupe restreint.

En l’espèce, l’œuvre est communiquée non pas à des personnes en général mais à un groupe déterminé de personnes investies de fonctions de service public au sein d’une juridiction, et la Cour conclut donc qu’aucun acte de communication au public ne saurait être caractérisé en l’espèce.

Enfin, afin de confirmer son raisonnement, la Cour procède à une mise en balance entre le droit de propriété intellectuelle et le droit à un recours effectif garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en faveur de ce dernier.

Elle indique ainsi que le droit fondamental à un recours effectif « serait sérieusement compromis si un titulaire de droit était en mesure de s’opposer à la communication d’éléments de preuve à une juridiction, au seul motif que ces éléments de preuve contiennent un objet protégé au titre du droit d’auteur ».

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