LOGICIELS – Incidence de la titularité des droits sur la communication du code-source dans le cadre d’une expertise

Type

Veille juridique

Date de publication

10 février 2021

Cour d’appel de Paris, 5 novembre 2020, n°19/13073 – En l’absence de cession des droits portant sur un progiciel, son commanditaire ne peut obtenir la communication du code-source à l’Expert dont il a sollicité la désignation .

A la suite d’un appel d’offres, une société d’assurance avait confié à une première société spécialisée dans l’édition de progiciels, la maîtrise d’œuvre d’un projet destiné à remplacer le progiciel qu’elle utilisait pour les besoins de son activité, et à une seconde société une mission d’assistance de maître d’ouvrage.

La société d’assurance a constaté des défaillances dans le logiciel livré et les échéances prévues pour opérer la migration des données n’avaient pas été respectées. Elle a donc assigné les deux prestataires en référé-expertise et le 5 juin 2019, le président du Tribunal de commerce de Paris a désigné un expert pour qu’il apprécie les améliorations quantitatives et qualitatives des versions successives du progiciel litigieux et détermine les causes des défauts. A cette fin, l’huissier était autorisé à se faire communiquer « les codes-sources [1] et les codes-objet [2] des différentes versions implantées ou en développement ».

Les prestataires ont interjeté appel de cette décision et l’un d’eux soutenait notamment que l’accès aux codes-source des logiciels porterait atteinte au secret des affaires et à ses droits de propriété intellectuelle au regard du contrat conclu avec la société d’assurance.

La Cour d’appel de Paris infirme l’ordonnance du président du Tribunal de commerce. Elle rappelle que la mission de l’expert doit se limiter aux questions de faits nécessaires pour éclairer le juge du fond sur le litige.

Elle relève que le contrat de conception et de réalisation de la solution informatique prévoyait que la solution restait la propriété du prestataire au sens du Code de la propriété intellectuelle. Les termes du contrat se référaient ainsi implicitement aux droits d’auteur susceptibles de protéger notamment les codes-source et la documentation écrite du logiciel, et l’existence de tels droits, supposant la démonstration d’une originalité, n’était semble-t-il pas contestée.

Aussi, la Cour considère que la nécessité de la remise des codes sources pour les besoins de l’expertise n’est pas établie.

Il en résulte que le commanditaire ne peut obtenir, par le biais d’une expertise, les codes-source d’un logiciel dont il n’est pas propriétaire. Il lui appartient de démontrer la nécessité de cette communication pour l’expertise sollicitée, et notamment l’insuffisance des tests pouvant être réalisés en accédant à la solution, et proposés en lieu et place par la Cour d’appel.

Le secret des affaires, également invoqué par l’éditeur du progiciel et qui n’est pas abordé par la Cour, pourrait être pris en compte au moment d’apprécier la nécessité d’une telle communication, et notamment pour mettre en place des mesures visant à encadrer la diffusion des codes-sources aux parties en cours de procédure.

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