Droit de la concurrence et agriculture : deux questions préjudicielles dans l’affaire du « cartel des endives »

Type

Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation

Date de publication

16 février 2016

Dans une décision N°14-19.589 du 8 décembre 2015, la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi dans l’affaire dite du « cartel des endives », a sursis à statuer afin de poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne deux questions préjudicielles, portant sur les règles de concurrence en matière de produits agricoles.

A titre de rappel, en juillet 2008, le Ministre de l’Economie avait saisi l’Autorité de la Concurrence pour une entente supposée entre organisations de producteurs et associations d’organisation de production, dans le secteur de la production et de la vente d’endives.

Le 6 mars 2012, dans une décision N°12-D-08, l’Autorité de la Concurrence avait condamné les différents acteurs en cause, pour des faits d’entente complexe et continue remontant à janvier 1998, sur le fondement des articles 101 du TFUE et L420-1 du code de la consommation.

Le montant total des amendes prononcées avoisinait les 4 millions d’euros.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt N°2012/06498 du 15 mai 2014, a entièrement réformé cette décision.

En effet, elle a estimé que la règlementation dérogatoire en matière de concurrence, applicable en matière de politique agricole commune et en vigueur à l’époque des faits, autorisait les acteurs en cause à agir de la sorte.

La Cour avait retenu que leur mission était d’assurer « la programmation de la production et son adaptation à la demande […], de promouvoir la concentration de l’offre et la mise en marché de la production des membres, de réduire les couts de production et de régulariser les prix à la production ».

Elle n’avait donc constaté aucune infraction à la règlementation en matière de concurrence, que ce soit en droit de l’Union Européenne ou en droit français.

L’Autorité de la Concurrence a alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation, estimant être en présence d’une difficulté sérieuse d’interprétation de la règlementation en cause, a sursis à statuer, pour transmettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne deux questions préjudicielles rédigées en ces termes :

“1°/ Des accords, décisions ou pratiques d’organisations de producteurs, d’associations d’organisations de producteurs et d’organisations professionnelles, qui pourraient être qualifiés d’anticoncurrentiels au regard de l’article 101 TFUE, peuvent-ils échapper à la prohibition prévue par cet article du seul fait qu’ils pourraient être rattachés aux missions dévolues à ces organisations dans le cadre de l’organisation commune du marché et ce, alors même qu’ils ne relèveraient d’aucune des dérogations générales prévues successivement par l’article 2 des règlements (CEE) no 26 du 10 1056 4 avril 1962 et (CE) no 1184/2006 du 24 juillet 2006 et par l’article 176 du règlement (CE) no 1234/2007 du 22 octobre 2007 ?

2°/ Dans l’affirmative, les articles 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2200/1996, 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1182/2007, et 122, alinéa 1er, du règlement (CE) no 1234/2007, qui fixent, parmi les objectifs assignés aux organisations de producteurs et leurs associations, celui de régulariser les prix à la production et celui d’adapter la production à la demande, notamment en quantité, doivent-ils être interprétés en ce sens que des pratiques de fixation collective d’un prix minimum, de concertation sur les quantités mises sur le marché ou d’échange d’informations stratégiques, mises en oeuvre par ces organisations ou leurs associations, échappent à la prohibition des ententes anticoncurrentielles, en tant qu’elles tendent à la réalisation de ces objectifs ? ”

Dans l’attente d’une réponse de la Cour de Justice de l’Union Européenne, le sort des organisations de producteurs et des associations d’organisation de production d’endives est toujours incertain.

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