Éclaircissements de la Cour de justice sur la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs

Type

Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation

Date de publication

2 mai 2013

La Cour de justice de l’Union européenne, saisie sur renvoi préjudiciel, vient de rendre trois arrêts relatifs à l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, adoptée le 5 avril 1993.

Dans un arrêt, l’affaire concernée par un premier rendu le 21 février 2013 (CJUE, 21 février 2013, Banif Plus Bank Zrt c. Csaba et Viktoria Csipai, Aff. C-472/11), un consommateur avait conclu auprès d’une banque un contrat de crédit prévoyant que tout manquement de l’emprunteur emporterait le versement de la totalité des échéances dues comprenant le montant du principal, les intérêts du prêt et la prime d’assurance, en plus des intérêts moratoires et d’autres frais.

Dans une seconde affaire ayant donné lieu à un arrêt du 14 mars 2013 (CJUE, 14 mars 2013, Mohamed Aziz c. Catalunyacaixa, Aff. C-415/11), un consommateur avait conclu auprès d’une banque un contrat de prêt, assorti d’une garantie hypothécaire prévoyant qu’en cas de manquement de l’emprunteur, la banque pourrait déclarer exigible la totalité du prêt et recourir à la saisie hypothécaire. Par ailleurs, des intérêts annuels de retard de 18,75% étaient automatiquement applicables aux montants non réglés à l’échéance.

Dans une troisième affaire ayant abouti à un arrêt rendu le 21 mars 2013 (CJUE, 21 mars 2013, RWE Vertrieb AG c. Verbraucherzentrale Nordrhein-Westfalen eV, Aff. C-92/11), une entreprise d’approvisionnement en gaz avait conclu avec des consommateurs divers contrats renvoyant à des conditions générales intégrant une clause standardisée de variation de prix, sans indiquer le motif, les conditions ou l’ampleur de la modification, mais informant le consommateur en cours d’exécution du contrat de la modification des frais, et lui permettant de dénoncer le contrat.

À travers ces arrêts, la Cour de justice a rappelé que la directive 93/13/CEE repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel et a apporté de nombreuses précisions relatives à l’interprétation de la directive.

Dans l’arrêt rendu le 21 mars 2013, la Cour de justice s’est exprimée sur le champ d’application de la directive 93/13/CEE. Dans cet arrêt, la clause standardisée de variation de prix correspondait à une réglementation nationale impérative applicable pour un autre type de contrat.

Considérant que la directive écarte de son champ d’application les clauses contractuelles reflétant les dispositions nationales impératives, se posait la question de savoir si la clause standardisée était soumise à la directive 93/13/CEE.

La Cour de justice a estimé que pareille exclusion mettrait en cause le régime de la protection des consommateurs en permettant facilement à un professionnel d’échapper à l’application de la directive. En conséquence, la clause contractuelle reprenant une disposition nationale impérative applicable à une autre catégorie de contrat entre dans le champ d’application de la directive.

Dans l’arrêt rendu le 21 février 2013, la Cour de justice a précisé l’office du juge saisi d’une clause qu’il considère abusive.

La Cour était amenée à se prononcer sur la question de savoir si la directive permet au juge national qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause d’informer les parties et de les inviter à formuler des observations.

Soulignant que la situation d’inégalité entre le consommateur et le professionnel devait être compensée par une intervention positive extérieure aux parties, la Cour de justice a rappelé que le juge national est tenu d’examiner d’office la licéité des clauses abusives. La Cour a ainsi conclu que le juge constatant d’office le caractère abusif d’une clause, doit pouvoir tirer les conclusions de cette constatation sans attendre que le consommateur présente une demande tendant à l’annulation de la clause.

Toutefois, la Cour a relevé que le juge devait respecter les exigences d’une protection juridictionnelle effective, et notamment le principe du contradictoire. Le juge national peut donc inviter les parties à débattre de la nullité d’une clause abusive conformément aux règles nationales de procédure.

À l’occasion de ces trois arrêts, la Cour de justice a également éclairé le juge national sur l’appréciation d’une clause abusive. Conformément à l’article 3 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE, « une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

La Cour a ainsi indiqué, dans l’arrêt rendu le 14 mars 2013, que la notion de « déséquilibre significatif » s’analyse en évaluant si « le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur », et au regard des moyens dont dispose le consommateur pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives.

Par ailleurs, l’appréciation de l’exigence de bonne foi s’observe en vérifiant « si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause concernée à la suite d’une négociation individuelle ».

Enfin, la Cour de justice a précisé que l’annexe de la directive, contenant une liste de clauses abusives, est une liste indicative, et non exhaustive.

Dans l’arrêt du 21 février 2013, la Cour de justice était invitée à déterminer si, lors de l’examen d’une clause supposée abusive, le juge national peut ou doit analyser toutes les clauses du contrat ou se limiter à celles fondant la demande dont il est saisi.

La directive impose au juge l’appréciation de toutes les circonstances entourant la conclusion du contrat, ainsi que toutes les autres clauses du contrat ou d’un autre contrat dont il dépend. Ainsi, la Cour a conclu que le juge national doit tenir compte de toutes les clauses du contrat pour apprécier le caractère abusif d’une clause.

La Cour de justice s’est prononcée, dans l’arrêt du 21 mars 2013, sur le caractère abusif d’une clause standardisée de variation de prix, telle que celle contenue dans le contrat conclu entre l’entreprise d’approvisionnement en gaz et les consommateurs.

La Cour a considéré qu’une clause standardisée permettant une adaptation des prix doit satisfaire aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence. Ainsi, répond aux exigences de la directive, la clause de variation de prix qui expose de manière transparente le motif et le mode de variation desdits frais de manière à rendre prévisibles l’évolution des frais, lorsque la faculté de résiliation offerte au consommateur peut être réellement exercée, et ce, en appréciant toutes les circonstances propres au cas d’espèce.

Enfin, dans l’arrêt du 14 mars 2013, la Cour de justice s’est prononcée sur l’effectivité de la directive au regard d’une procédure nationale.

Le contrat de prêt assorti d’une garantie hypothécaire permettait à la banque de demander la liquidation du bien. En l’absence d’harmonisation en matière d’exécution forcée, les modalités de mise en œuvre de la saisie hypothécaire relèvent du droit interne de chaque État membre, à condition de ne pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice par les consommateurs des droits qui leur sont conférés par le droit de l’Union européenne.

En l’espèce, les motifs d’opposition à la saisie hypothécaire, limitatifs, ne permettaient pas à l’emprunteur de soulever le caractère abusif de la clause constituant le fondement de la saisie. Par ailleurs, le juge du fond devant lequel le consommateur pouvait alléguer du caractère abusif d’une clause, ne pouvait pas prononcer de mesures provisoires suspendant la procédure irréversible d’adjudication du bien hypothéqué. Le consommateur ne pouvait donc pas se prévaloir utilement de la directive 93/13/CEE pour faire annuler la procédure de saisie.

La Cour de justice a donc considéré que la directive s’oppose à la réglementation en cause, au regard du principe d’effectivité du droit de l’Union européenne.

Newsletter

Souscrivez à notre newsletter pour être informé de nos actualités