« Écoutes Sarkozy » : Validation des écoutes entre N. Sarkozy et son avocat

Type

Droit Pénal

Date de publication

4 mai 2016

NOUVELLE ILLUSTRATION DE L’APPROCHE PERMISSIVE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE CONCERNANT LES INTERCEPTIONS DE COMMUNICATIONS ENTRE UN AVOCAT ET SON CLIENT

CASS. CRIM. 22 MARS 2016 N°15-83.205,206 ET 207

La Cour de cassation a rendu le 22 mars 2016 trois arrêts largement commentés et débattus, validant les écoutes téléphoniques entre un avocat et son client, lui-même avocat.

Bien que d’une grande efficacité, les interceptions téléphoniques portent en elles-mêmes atteinte à de nombreux droits et libertés fondamentaux : secret des correspondances, droit au respect de la vie privée, droits de la défense. La Cour de cassation a récemment été amenée à se prononcer sur la régularité de ces écoutes dans un cas particulier : lorsque les conversations mettent en présence un avocat et son client habituel, lui-même avocat.

Pour rappel, le Code de procédure pénale prévoit qu’un avocat peut être placé sur écoute lorsqu’il existe des indices laissant penser qu’il a lui-même participé à la commission d’une infraction et à la condition que son Bâtonnier en soit informé. En l’espèce, si le Bâtonnier avait été informé de la mesure d’interception de la ligne téléphonique utilisée par la personne placée sur écoute, celle-ci étant également avocat (avocat-utilisateur), il n’avait toutefois pas été informé du fait que l’unique interlocuteur de cette personne était son avocat habituel (avocat-interlocuteur).

Un premier argument avancé par l’avocat-interlocuteur consistait à reprocher au juge d’instruction de n’avoir pas informé le Bâtonnier qu’il était lui-même écouté. Cependant, l’article 100-7 du Code de procédure pénale ne fait référence qu’au titulaire et/ou utilisateur principal de la ligne. Ainsi, le juge d’instruction n’était pas tenu d’informer le Bâtonnier de l’interception des conversations téléphoniques de l’interlocuteur, fût-il avocat. La décision est jusqu’ici en accord avec la jurisprudence antérieure.

Confrontée à la question de la régularité de la retranscription des conversations, face à l’impératif de protection de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client et à l’exercice des droits de la défense, la Chambre criminelle l’a validée considérant que ces conversations étaient étrangères “à tout exercice des droits de la défense” et révélaient “des indices de la participation de l’avocat (interlocuteur) à des faits susceptibles de qualification pénale”.

Si cette première motivation paraît conforme à la lettre du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle apporte toutefois une seconde motivation extrêmement hasardeuse. Elle considère que les conversations ne pouvaient relever de l’exercice des droits de la défense dès lors que la personne placée sous écoute n’était pas mise en cause (mise en examen, témoin assisté ou même gardée à vue). Il n’y aurait en conséquence pas lieu de protéger la conversation d’une personne avec son avocat, dès lors que l’intéressé ne serait pas mis en cause dans une procédure pénale.

Enfin, le troisième argument consistait à contester la validité de la retranscription des conversations qu’il avait eues avec son propre Bâtonnier. La Chambre criminelle a, fort heureusement, relevé que cette retranscription était illicite dès lors que la conversation « dans laquelle un avocat placé sous écoutes réfère de sa mise en cause dans une procédure pénale à son bâtonnier ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure à moins qu’elle ne révèle un indice de participation personnelle de ce dernier à une infraction pénale ».

Ces arrêts révèlent une nouvelle fois la souplesse de la position de la Cour de cassation lorsqu’il s’agit d’arbitrer entre les impératifs de bonne administration de la justice et de protection du secret professionnel des avocats.

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