La vente de photos de produits marqués n’est pas constitutive d’une contrefaçon

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

21 février 2013

Un contentieux assez singulier donne l’occasion à la chambre commerciale de la Cour de cassation de rappeler que le droit conféré par l’enregistrement d’une marque n’a pas une portée absolue, dans la mesure où il s’agit d’un droit fonctionnel et soumis au principe de spécialité.

Les faits de l’arrêt du 25 septembre 2012 (pourvoi n° 11-22685) sont assez simples. Une société vend sur son site Internet des photographies représentant des emballages sur lesquels sont apposés des marques déposées pour des produits alimentaires et diététiques par différentes sociétés. Les titulaires desdites marques assignent donc la vendeuse de photographies en contrefaçon.

Le rejet de cette demande par la Cour d’appel de Poitiers sera confirmé par la Cour de cassation, principalement pour deux raisons.

La haute juridiction approuve tout d’abord la Cour d’appel d’avoir considéré que les signes litigieux, reproduits sur les photographies, n’étaient pas utilisés pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels les marques étaient enregistrées (produits alimentaires diététiques).

Ce rappel du principe de spécialité doit être nuancé.

S’il est vrai que la caractérisation de la contrefaçon de marque nécessite l’usage de cette dernière pour des produits identiques ou similaires à ceux visés dans l’enregistrement, il n’en n’existe pas moins des hypothèses dans lesquelles l’apposition sur un support quelconque sera tout de même considérée comme un usage pour les produits ou services visés à l’enregistrement.

En effet, la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision BMW en date du 23 février 1999 (affaire C-63/97) a eu l’occasion de dire pour droit que l’annonce « réparation et entretien de BMW , qui vise à désigner un service de maintenance d’automobiles, était tout de même constitutive d’un usage pour des voitures dans la mesure où BMW servait également à identifier « la provenance des produits qui sont l’objet du service » » (paragraphe 39).
Ne pouvait-on estimer dans l’arrêt commenté que les marques de produits diététiques étaient utilisées pour désigner la provenance des produits objet de la photographie ?

La seconde raison qui conduit à rejeter l’action en contrefaçon semble plus pertinente. La Cour d’appel de Poitiers, non censurée sur ce point par la Cour de cassation, estime également que les produits vendus par la société de photographies « n’étaient pas identifiés » par les marques figurant sur les emballages.

Il s’agit d’un simple rappel de l’exigence de l’usage à titre de marque, c’est-à-dire d’un usage ayant pour fonction d’indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits. Or, il est bien évident qu’en l’espèce, la reproduction de la marque n’avait pas pour but de faire croire que les photographies proviennent des titulaires de marques opposées. Elles n’avaient pas non plus pour objet d’indiquer au consommateur l’existence d’un partenariat entre les titulaires des marques et la société qui vend les photographies.

L’apparition des marques sur les photographies a simplement pour objet de fournir à l’acheteur une reproduction aussi fidèle que possible à l’emballage original photographié. Le raisonnement est au final assez proche de celui de la Cour de justice qui, dans l’arrêt Opel en date du 25 janvier 2007 (affaire C-48/05) a estimé, dans une affaire relative à des modèles réduits de voiture de marques, que « le public pertinent ne perçoit pas le signe identique au logo Opel figurant sur les modèles réduits commercialisés par Autec comme une indication que ces produits proviennent d’Adam Opel ou d’une entreprise économiquement liée à cette dernière » (paragraphe 24).

La Cour d’appel de Poitiers a d’ailleurs pris le soin de préciser que le fait de taper les noms des marques dans un moteur de recherche ne menait pas aux pages proposant la vente des photographies litigieuses.

Au final, on relèvera que cette jurisprudence s’inscrit dans une tendance à encadrer de façon de plus en plus précise la notion d’usage à titre de marque, préalable nécessaire à la reconnaissance d’un acte de contrefaçon.

Dans un autre domaine, les juridictions françaises estiment aujourd’hui que l’usage d’une marque pour désigner un titre de film ou de livre n’a pas vocation à indiquer son origine commerciale, mais simplement à identifier l’œuvre elle-même (en ce sens, à propos d’un titre de film, cass.com, 12 juil. 2011., n°10-22739).

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