Le dépôt d’une marque non encore exploitée constitue-t-elle un acte de contrefaçon ? Les divergences jurisprudentielles du Tribunal de Grande Instance de Paris

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

15 mars 2018

La 3ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris spécialisée en matière de propriété intellectuelle est hésitante sur le point de savoir si le simple dépôt d’une marque reproduisant ou imitant une marque antérieure est de nature à constituer un acte de contrefaçon. Sa jurisprudence récente révèle des divergences entre les différentes formations de cette chambre.

Ainsi, dans un jugement du 21 septembre 2017 rendue par la 4ème section de cette juridiction (RG n°2016/00723) dans le cadre d’une action en contrefaçon de la marque OMBRE ROSE, par le dépôt de la marque OMBRE FUMEE, elle a pu relever que « Le simple dépôt d’une marque ne peut être en soi jugé contrefaisant d’une marque antérieure dans la mesure où la contrefaçon nécessite un usage dans la vie des affaires » avant d’ajouter « en revanche, la commercialisation des parfums sous la marque « Ombre fumée » pourrait être retenue comme contrefaisante (…) ».

Le lendemain même de cette décision, la 2ème section de la chambre statuait toutefois dans le sens contraire (jugement du 22 septembre 2017 RG n° 16/04325) en affirmant que « le seul dépôt d’une marque, indépendamment de son utilisation effective sur le marché, est susceptible de constituer un acte d’usage non autorisé d’une marque préexistante et par-là même un acte de contrefaçon portant préjudice au premier déposant ». Cette solution a été réaffirmée par cette même formation dans une décision du 19 octobre 2017 (RG n° 16/00937) : « La contrefaçon est susceptible d’être constituée du seul fait du dépôt de la marque litigieuse, ce dépôt constituant un acte d’usage non autorisé de la marque première ».

Le débat semblait pourtant avoir été tranché par la Cour d’appel de Paris et la Cour de Cassation.

En effet, par plusieurs arrêts récents, la Cour d’appel de Paris avait posé comme principe le fait que « le simple dépôt d’une marque française est contrefaisant » (Cf notamment CA Paris 26 mai 2017 RG n° 16/06791).

La Cour estime en effet que si la protection du titulaire de la marque est limitée aux circonstances dans lesquelles un tiers fait, sans son consentement, usage de son signe dans la vie des affaires, cette notion « d’usage dans la vie des affaires doit s’apprécier d’après le contexte dans lequel intervient cet usage, à savoir si l’auteur, dans l’exercice d’une activité professionnelle, est susceptible d’en retirer, directement ou indirectement, un avantage économique, l’absence d’offre au public étant indifférente ». Or en procédant au dépôt d’une marque, son titulaire cherche à en retirer un avantage économique dans le cadre de son activité commerciale, à savoir d’obtenir le droit exclusif d’usage de cette marque pour désigner les produits ou services visés à l’enregistrement « peu important que cette marque ne soit pas encore exploitée » (CA Paris 31 mai 2016 RG n°15/08997).

La Cour de Cassation quant à elle, a pu juger dans un arrêt du 24 mai 2016 (n° de pourvoi 14-17533) « qu’ayant relevé qu’en toute hypothèse, la similitude entre les services en présence n’était pas démontrée, c’est par un motif erroné mais surabondant que la cour d’appel a retenu que le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque « iMessage » par la société Apple ne pouvait pas à lui seul constituer un acte de contrefaçon de la marque « I-Message ».

L’alignement de la jurisprudence de la 3ème chambre du Tribunal de Grande Instance apparaît donc souhaitable.

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