Le lanceur d’alerte : l’impact de la loi Waserman sur les dispositions pénales (4/4)

Type

Veille juridique

Date de publication

24 mai 2022

Rappelons que la loi Waserman du 21 mars 2022, qui transpose une directive européenne du 23 octobre 2019 et vise à améliorer la protection des lanceurs d’alerte en France, entre en vigueur à compter du 1er septembre 2022. Pour plus d’information, nous vous renvoyons à nos trois précédents billets d’actualité sur ce sujet.

Ce quatrième et dernier billet est consacré à l’analyse des conséquences de cette loi en matière de droit pénal et de procédure pénale, et notamment :

  • La pénalisation des représailles sous l’angle de la discrimination : un nouveau cas de discrimination est introduit au sein de l’article 225-1 du code pénal. La discrimination fondée sur la qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur, ou de toute personne en lien avec un lanceur d’alerte, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale est désormais réprimée d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.
  • L’aggravation de la répression à l’encontre de ceux qui s’en prennent au lanceur d’alerte : le montant de l’amende pour procédure dilatoire ou abusive engagée contre un lanceur d’alerte, dite « procédure bâillon » est augmenté et porté à 60.000 € (contre 30.000 € auparavant).

De plus, la peine d’affichage ou de diffusion de la décision pénale vient compléter la peine principale encourue, qui elle n’a pas été aggravée, d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende pour avoir fait obstacle à la transmission d’un signalement.

Par ailleurs, lorsqu’une procédure pénale est engagée contre un lanceur d’alerte dans le but d’entraver son signalement, le prévenu peut désormais demander au juge répressif de lui allouer, à la charge de la partie civile, une provision pour couvrir les frais d’instance afin d’assurer sa défense, ou pour couvrir ses subsides. Le juge peut ordonner des mesures d’instruction avant de rendre une décision à ce sujet. En tout état de cause, le juge peut décider que la provision accordée au lanceur d’alerte est définitive, et ce, même si ce dernier venait à perdre le procès.

  • Le fait justificatif du lanceur d’alerte est renforcé :
    • La loi Sapin 2 prévoyait déjà l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte pour la divulgation d’un secret protégé par la loi à l’article 122-9 du code pénal. La loi Waserman étend cette irresponsabilité, aux cas où, afin d’étayer son signalement, le lanceur d’alerte « soustrait, détourne, ou recèle des documents ou tout autre support contenant des informations dont il a eu connaissance de manière licite, et qu’il signale ou divulgue dans les conditions définies par la loi ». L’irresponsabilité pénale s’applique donc à l’auteur du signalement qui aurait commis des infractions de vol, abus de confiance, ou recel, non pas pour prendre connaissance de l’information mais pour pouvoir la divulguer. Précisions que la réforme étend la responsabilité pénale aux personnes de l’entourage du lanceur d’alerte : les complices, les facilitateurs, les personnes physiques en lien avec le lanceur d’alerte, les entités juridiques contrôlées par le lanceur d’alerte. Ces dispositions étant plus favorables, elles pourront agir rétroactivement (Cass. crim., 17 octobre 2018, n°17-80.485).
    • La consécration d’une irresponsabilité civile en cas de signalement de bonne foi. Ainsi, seront désormais exonérées de l’obligation d’indemnisation, les personnes de bonne foi à l’origine du signalement, c’est-à-dire celles ayant « des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause ». Le lanceur d’alerte ne sera donc pas tenu de réparer les conséquences dommageables commises à l’occasion de la divulgation, telles que le préjudice moral ou financier subi par la personne physique ou morale visé par l’alerte.

Ces innovations introduites par la directive européenne ont pour effet d’une part de protéger plus largement le lanceur d’alerte, et d’autre part, d’éviter son isolement.

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