Date de consolidation non fixée par l’expert : quel impact sur la prescription ?

Type

Veille juridique

Date de publication

29 avril 2022

Cass. 2ème civ, 10 février 2022, n°2022

La date de consolidation, correspondant à la date de stabilisation de l’état de la victime, est une notion clé en réparation du dommage corporel. Elle permet non seulement de distinguer les préjudices temporaires et permanents mais elle est également considérée comme le point de départ du délai de prescription de l’action en indemnisation de la victime.

Si la date de consolidation, en tant que notion médicale, est en pratique fixée par un médecin expert, qu’en est-il en l’absence d’une telle détermination ?

La deuxième chambre de la Cour de cassation a rendu le 10 février 2022 une décision intéressante venant réaffirmer le pouvoir d’appréciation discrétionnaire du juge en matière de fixation de la date de consolidation et de son impact sur la prescription.

En l’espèce, le requérant avait été victime d’un accident de la circulation à l’âge de 3 ans, en 1985. Une précédente décision avait statué sur l’indemnisation de ses préjudices en 1994. Plusieurs années plus tard, lors de sa majorité, une nouvelle expertise médicale avait été ordonnée par le juge des référés. L’expert avait déposé son rapport le 15 mai 2002.

La particularité de cette espèce réside dans le fait que la fixation de la date de consolidation ne faisait pas partie des missions confiées par l’expert, qui n’avait donc pas répondu expressément à cette problématique.

La victime, placée sous curatelle, assigne le 18 mai 2015 l’assureur du véhicule ainsi que son conducteur et réclame un complément d’indemnisation. Elle se voit opposer la prescription de son action par la Cour d’appel, laquelle considérait que plus de dix ans s’étaient écoulés entre le dépôt du rapport d’expertise et l’introduction de l’instance.

La victime se pourvoit en cassation et reproche aux juges du fond d’avoir jugé son action irrecevable car prescrite alors que le rapport d’expertise médicale n’indiquait pas de date de consolidation. Elle prétendait que la prescription ne pouvait commencer à courir qu’une fois son point de départ constaté et porté à la connaissance de la victime et qu’à défaut, aucune prescription ne saurait lui être opposée.

La Cour de cassation, après avoir rappelé que l’action en réparation d’un dommage corporel se prescrit par 10 ans à compter de la date de consolidation, se réfère au raisonnement alors adopté par la Cour d’appel.

Cette dernière avait effectivement relevé que le rapport d’expertise mentionnait que « l’état séquellaire de la victime n’était pas susceptible d’évoluer favorablement après la date de l’examen par celui-ci et qu’il n’apparaît pas non plus que cet état se soit aggravé depuis lors. ». Elle en avait ainsi conclu que ces constatations de l’expert permettaient à la victime de constater que la consolidation était acquise et fixait le point de départ du délai de prescription à la date de réception du rapport, le 15 mai 2002.

La Cour de cassation se réfère au pouvoir d’appréciation souveraine des juges de fond et rejette le pourvoi.

Cette réaffirmation du pouvoir d’appréciation du juge et de la liberté dont il dispose à l’égard du rapport d’expertise médicale est toujours appréciable. Ce principe est de jurisprudence constante (à titre d’exemple : Cass. 2ème civ, 17 septembre 2009 – n° 08-15.113). Le juge n’est en effet nullement lié par l’opinion du médecin expert et conserve la liberté de se fier à sa propre appréciation.

Dans le prolongement de cette approche discrétionnaire et casuistique du litige qui lui est soumis, la solution de la Cour d’appel, validé par la Cour de cassation, fixant le point de départ du délai de prescription à la date du dépôt du rapport, semble plutôt pragmatique.

En l’espèce, la solution inverse aurait eu pour effet de retarder indéfiniment le point de départ du délai de prescription, voire de le laisser au bon vouloir de la victime négligeant le recours à l’expertise médicale pour fixer la date de consolidation.

Si le délai de prescription relativement long de dix ans a pour objectif premier de protéger la victime et de favoriser son indemnisation, cette dernière doit néanmoins rester vigilante et pro-active.

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