Le statut d’eBay au regard de la LCEN

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

29 mai 2012

Par un arrêt du 3 mai 2012, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé l’interprétation donnée par la Cour d’appel de Paris le 3 septembre 2010 sur le statut d’eBay.

En l’espèce, les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy et Guerlain (les sociétés DKGG) qui commercialisent leurs produits dans le cadre de réseaux de distribution sélective ont fait constater des faits de vente de leurs produits sur le site d’enchères en ligne.

La Cour de cassation approuve les juges de la Cour d’appel de Paris d’avoir refusé d’octroyer le statut d’hébergeur aux sociétés eBay. Elle souligne que la Cour d’appel a relevé à juste titre différents éléments permettant de déduire que «les sociétés eBay n’avaient pas exercé une simple activité d’hébergement mais qu’elles avaient, indépendamment de toute option choisie par les vendeurs, joué un rôle actif de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qu’elles stockaient et à les priver du régime exonératoire de responsabilité prévu par l’article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 et l’article 14 §1 de la Directive 2000/31».

Ainsi, la fourniture aux vendeurs d’informations permettant l’optimisation de leurs ventes et d’une assistance, la possibilité de créer un espace personnalisé de mise en vente mais également l’envoi d’invitation de report sur une autre enchère sont autant d’éléments que les juges ont pris en compte pour refuser de qualifier les sociétés eBay d’hébergeur.

Par ailleurs, dans cet arrêt les juges se sont également prononcés sur la compétence des juridictions françaises pour connaître de l’activité du site http://www.ebay.co.uk/. Ce dernier ayant fait l’objet de renvois multiples par le site ebay.fr et s’adressant aux internautes français, les deux sites étant complémentaires, la compétence des juges français a été retenue.

Enfin, au visa de l’article L 442-6- I-6 du Code de commerce, la Cour de cassation censure la Cour d’appel ayant retenu que les sociétés eBay avaient participé à la violation de l’interdiction de revente hors des réseaux de distribution sélective. Selon les juges de la Cour d’appel, « il importe peu que cette violation soit commise par un professionnel du commerce ou par un particulier ». Bien au contraire, pour la Cour de cassation, « les ventes accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation d’une interdiction de revente hors réseau de distribution sélective ».

Cet arrêt de la Cour de cassation succède à deux décisions récentes relatives au statut d’eBay, qui ont statué dans le sens contraire à celui que la Cour Suprême a adopté.

Dans un arrêt en date du 4 avril 2012, la Cour d’appel de Paris a reconnu à la société eBay le statut d’hébergeur dans une affaire opposant cette dernière à deux groupements professionnels représentant des brocanteurs et antiquaires.

Par un jugement du 13 mars 2012, le Tribunal de grande instance de Paris s’est également prononcé sur le statut d’eBay, dans un sens identique.

Dans cette espèce, la société Maceo, qui a pour activité principale la création, la fabrication et la distribution de vêtements de prêt à porter et qui est titulaire des marques « April 77 » et « April 77 Records », a constaté sur le site internet www.ebay.com la reproduction sans son autorisation de la marque « April 77 ».

Elle a assigné les sociétés eBay Inc., eBay Europe et eBay France en contrefaçon de ses marques. La société Maceo soutenait que la société eBay ne peut bénéficier du statut d’hébergeur au sens de la LCEN et a demandé au Tribunal de voir reconnaître à cette société l’applicabilité du régime de droit commun de la responsabilité civile.

Le Tribunal a considéré que Maceo n’avait pas démontré que la société eBay ne pouvait être qualifiée d’hébergeur.

– Les fonctionnalités du site permettant une présentation et une organisation des données issues des annonces, ainsi qu’une évaluation des vendeurs n’induiraient pas une sélection et un contrôle d’eBay sur les contenus mis en ligne (cette position est contraire à celle retenue par la Cour d’appel de Paris le 23/01/2012 qui a reconnu à eBay un rôle actif dans sa position d’intermédiaire proposant différents outils permettant de valoriser les annonces et lui faisant perdre son caractère d’hébergeur).

– Le caractère onéreux du service ne serait pas un critère d’exclusion du statut d’hébergeur ;

Par conséquent, les juges concluent qu’eBay n’a pas joué « un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données qu’elle stocke ».

La société eBay se voit alors qualifiée d’hébergeur au sens de l’article 6-I-2 de la LCEN et au regard de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 12 juillet 2011, eBay c/ L’oréal).

Les juges ont considéré que le fait que le service soit onéreux et la fourniture d’outils permettant la valorisation des annonces ne pouvaient exclure la société eBay du bénéfice du régime de responsabilité issu de la LCEN.

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