Liberté d’information et diffusion de l’image d’une personne sans son autorisation

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

2 avril 2015

Selon une jurisprudence constante, toute personne dispose sur son image ou sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation expresse et spéciale.

Le droit à l’image apparaît comme une composante de la vie privée, notamment consacrée par les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH).

En pratique, le droit à la vie privée doit être mis en balance avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la CEDH, qui permet notamment à la presse de jouer son rôle de « chien de garde » nécessaire dans une société démocratique.

Alors que par principe il est interdit de capter et de publier l’image d’une personne sans son autorisation, est licite, au titre de la liberté d’expression, la fixation et la publication de l’image d’une personne pour illustrer un fait d’actualité ou un débat d’intérêt général.

Deux arrêts récents permettent d’illustrer le conflit entre le droit à l’image et la liberté d’information.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 15 janvier 2015, un inspecteur avait autorisé l’enregistrement, par un contribuable, du contrôle fiscal dont il faisait l’objet et auquel il s’était finalement opposé. Ce dernier avait publié la vidéo sur son blog pour illustrer un article dénonçant la déloyauté de certaines pratiques des services fiscaux.
L’inspecteur des impôts, identifié dans la vidéo dont il n’avait pas autorisé la diffusion, a invoqué une atteinte au respect de son droit sur l’utilisation de son image.

Pour confirmer l’arrêt d’appel ordonnant le retrait de la vidéo et le paiement de dommages et intérêts à l’inspecteur des impôts, la Haute juridiction juge que le contrôle fiscal ne peut être qualifié d’évènement d’actualité et que l’opposition du contribuable n’entre pas dans la définition du débat d’intérêt général. Les juges en reviennent donc au principe de l’autorisation préalable de la personne photographiée.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 24 février 2015, une journaliste s’était faite passée pour une cliente auprès d’un courtier pour enregistrer leur rencontre en caméra cachée. Deux séquences de l’enregistrement avaient été diffusées pour illustrer une émission consacrée aux pratiques douteuses des courtiers en assurance-vie.

Pour les juges strasbourgeois, un reportage sur la mauvaise qualité du conseil délivré par des courtiers en assurances privées, question touchant à la protection des consommateurs, participe à un débat d’intérêt général.

La Cour apprécie ensuite : la notoriété de la personne visée et l’objet du reportage, son comportement antérieur, le mode d’obtention des informations et leur véracité, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi que la gravité de la sanction imposée.

Il convient de préciser que dans la décision européenne, le courtier n’était pas identifiable en raison de la mise en place de procédés d’anonymisation (pixellisation du visage, modification de la voix, vêtements sans signe distinctif et entretien hors de ses locaux professionnels), ce que les juges strasbourgeois ont d’ailleurs relevé comme étant un élément déterminant.

En l’espèce, les juges européens concluent que le fait d’avoir sanctionner les journalistes ayant réalisé le reportage constitue une violation de l’article 10 de la CEDH.

Pour aller un peu plus loin… Il convient de préciser que certains professionnels, pour lesquels l’anonymat est indispensable à leur sécurité, bénéficient d’une protection accrue de leur image et ce, quel que soit leur contexte de publication.

Il en est ainsi de certains fonctionnaires de police, dont la liste est fixée par décret, pour lesquels la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime « le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité » (article 39 sexies : 15.000 euros d’amende).

Pour les autres professionnels dont l’image est captée à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, l’incertitude des définitions de l’événement d’actualité et surtout du débat d’intérêt général, peut être à l’origine d’une certaine insécurité juridique.

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