MARQUES – Le recours au référencement payant par un concurrent situé dans un autre état membre peut justifier la compétence du pays visé par ledit référencement

Type

Veille juridique

Date de publication

7 décembre 2023

CJUE, 5ème chambre, 27 avr. 2023, C-104/22 : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que le titulaire d’une marque de l’Union européenne peut introduire une action en contrefaçon devant le tribunal de l’Etat membre où s’est déroulée la contrefaçon dès lors que la défenderesse a eu recours au référencement payant pour viser le public dudit Etat.

En l’espèce, une société finlandaise a assigné en contrefaçon devant le tribunal finlandais deux sociétés allemandes appartenant au groupe BERKY, sur le fondement de sa marque de l’UE « WATERMASTER ».

Elle reprochait d’avoir commis des actes de contrefaçon sur le territoire finlandais :

  • à la première société en utilisant sa marque pour effectuer un référencement payant sur le site www.google.fi (avec l’extension « .fi ») et ainsi afficher une annonce publicitaire pour ses produits
  • à la seconde société en utilisant une balise méta-tag[1] sur le site www.Flickr.com reprenant sa marque afin de bénéficier d’un meilleur référencement naturel d’images pour ses propres produits sur le site www.google.fi.

Les deux défenderesses ont soulevé l’incompétence de la juridiction finlandaise aux motifs que les faits n’ont pas été commis en Finlande car ni les activités de promotion commerciale, ni les activités de vente de produits ne visaient les consommateurs finlandais et que la simple accessibilité des contenus prétendument illicites ne permettait pas d’établir que ces actes ciblaient le public finlandais.

Interrogée par la juridiction finlandaise, la CJUE a tout d’abord précisé que les règles de compétence qui s’appliquent étaient celles du Règlement n°2017/1001 sur la marque de l’UE, à l’exclusion du Règlement n°1215/2012 sur la compétence judiciaire.

La CJUE a ensuite rappelé le principe selon lequel l’action en contrefaçon est portée devant les tribunaux où se trouve le défendeur, ce qui permet de viser les faits commis sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Elle a ensuite énoncé la possibilité pour le titulaire de marque d’agir de manière alternative devant les tribunaux de l’Etat membre « sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace d’être commis », auquel cas la réparation ne peut être obtenue que pour les faits commis uniquement sur le territoire de l’Etat concerné.

Compte tenu du choix de la demanderesse d’agir devant la juridiction sur le territoire duquel la contrefaçon a eu lieu, la Cour indique qu’il faut rechercher s’il existe « un lien de rattachement suffisant avec [ledit territoire] dont relève la juridiction saisie », ce qui requiert un « comportement actif de l’auteur de cette contrefaçon ».

En l’absence d’information précise sur les zones géographiques de livraison des produits concernés qui sont un indice « d’importance particulière », le lien de rattachement doit être établi au regard d’autres éléments, tels que la monnaie utilisée ou la langue parlée dans l’Etat où se trouve le commerçant, les coordonnées téléphoniques avec le préfixe international, le nom de domaine utilisé (notamment l’extension), l’engagement de dépenses dans un service de référencement ou la domiciliation des clients, étant souligné que la « simple accessibilité d’un site Internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas ».

Plus particulièrement concernant les deux situations en cause, la Cour conclut que :

  • la première société avait un comportement actif dès lors qu’elle a « payé l’exploitant du site Internet d’un moteur de recherche avec un domaine de premier niveau national [.fi] d’un État membre autre que celui dans lequel elle est établie, afin d’afficher, à destination du public de cet État membre, un lien vers le site de cette entreprise, lui permettant ainsi d’accéder à l’offre de ses produits ». Le référencement payant constitue donc un lien de rattachement suffisant.
  • la seconde société n’avait pas un comportement actif dès lors que « la balise méta n’est destinée qu’à permettre aux moteurs de recherche de mieux identifier les images contenues sur ce site Internet » et qu’« un site Internet avec un domaine de premier niveau générique n’est destiné au public d’aucun État membre spécifique ».

Partant, la CJUE conclut à la compétence des juges finlandais s’agissant de l’action engagée à l’encontre de la première société mais la rejette s’agissant de la seconde société en l’absence d’éléments de nature à démontrer qu’un tel référencement naturel est destiné à un public établi en Finlande


[1]Une balise méta est un élément du code source du site internet. Il n’est pas visible par l’internaute qui consulte  le site mais est utilisé par les moteurs de recherche pour le référencement.

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