PARASITISME – Le trèfle à 4 feuilles ne porte plus chance à Van Cleef !

Type

Veille juridique

Date de publication

7 décembre 2023

Cour d’appel de Paris, 23 juin 2023, n° RG 21/19404 : La commercialisation par la société Louis Vuitton de la gamme de bijoux BLOSSOM, reprenant le motif de trèfle quadrilobé emblématique de la société Van Cleef & Arpels n’est pas constitutive de concurrence parasitaire.

En 2015, la société Van Cleef a assigné la société Louis Vuitton en parasitisme aux motifs que sa gamme de bijoux BLOSSOM commercialisée:

  • (i) reprend le motif du trèfle à quatre feuilles de sa collection ALHAMBRA ;
  • (ii) constitue la captation minutieuse de sa propre collection ALHAMBRA qui compte un ensemble cohérent de 31 bijoux quadrilobés ;
  • (iii) utilise les mêmes axes de communication ; et
  • (iv) reprend la même politique de prix.

Le Tribunal de commerce de Paris a tout d’abord reconnu les actes parasitaires de la société Louis Vuitton et l’a condamnée à payer la somme de 214.400 euros à titre de dommages et intérêts, en lui interdisant la poursuite de la commercialisation de ses bijoux.

A la suite d’un appel formé par la société Louis Vuitton, la Cour infirme ce jugement considérant que si le trèfle « est un produit emblématique et notoire de la marque Van Cleef & Arpels ; et partant [a] une valeur économique individualisée comme la collection dans laquelle il est décliné », la société Louis Vuitton ne s’est pas positionnée dans le sillage de la société Van Cleef.

Plus particulièrement, la Cour d’appel a cherché à répondre aux différents moyens soulevés par la société Van Cleef.

  • (i) Sur la reprise du motif ALHAMBRA, la Cour a d’abord relève qu’en dépit du fait que ce modèle constitue une reprise d’un trèfle à quatre feuilles et avec une dimension identique à celui de la demanderesse, de nombreuses différences structurelles existent dans la composition des deux collections de bijoux.

Notamment, la forme quadrilobée de la gamme BLOSSOM n’est pas détourée et ne comporte ni sertissage perlé, ni caractère double face. La pierre semi-précieuse n’est quant à elle pas lisse et présente un élément supplémentaire en son centre.

La Cour considère également que la forme quadrilobée est « un élément connu et usuel dans le domaine des arts appliqués et particulièrement de la joaillerie » et que « l’usage des pierres précieuses ou semi précieuses de couleur serties de métal précieux apparaissent s’inscrire dans les tendances de la mode. »

Elle ajoute que la société Louis Vuitton s’est inspirée de son propre motif de trèfle à quatre feuilles présent sur sa toile monogrammée composée des lettres LV et de fleurs à quatre pétales pour l’adapter aux tendances du marché.

  • (ii) Par ailleurs, la Cour rejette les arguments de la société Van Cleef qui reprochait à la société Louis Vuitton de reprendre, au-delà du motif en tant que tel, toute la gamme ALHAMBRA en constituant une collection complète de 31 bijoux à quatre feuilles.

D’une part, la Cour retient qu’il est usuel dans le secteur de la joaillerie de décliner toute une gamme de bijoux (bracelets, boucles d’oreilles, sautoirs…).

D’autre part, la gamme BLOSSOM de la société Louis Vuitton comprend également d’autres motifs floraux, et notamment son motif de fleurs pointus emblématique, ce qui montre que celle-ci ne cherche pas à créer une collection ou sous-collection qui imiterait, sans effort de sa part, la gamme ALHAMBRA de Van Cleef.

De plus, les couleurs des pierres semi-précieuses ainsi que l’or du métal précieux diffèrent entre les deux gammes et sont, là encore, des teintes fréquemment utilisées pour une même collection dans le secteur de la joaillerie.

  • (iii) Les juges ont ensuite considéré que la société Van Cleef ne pouvait se prévaloir d’une reprise indue du thème de la nature pour communiquer sur la collection BLOSSOM puisque celui-ci est traité différemment au niveau des couleurs, la même chromatique étant par ailleurs utilisée par la société Louis Vuitton pour communiquer sur ses autres produits, tels que les chaussures.

La Cour en conclut qu’ « aucune rupture dans la stratégie de communication des sociétés Vuitton dans le but de se placer dans le sillage » n’est démontrée.

  • (iv) Enfin, sur la prétendue reprise de la politique de prix, la Cour a également conclu qu’elle n’était pas démontrée pour la collection BLOSSOM dès lors que « les écarts de prix apparaissant hétérogènes, ceux-ci pouvant être largement inférieurs, identiques ou supérieurs selon les produits ».

La Cour écarte donc tout comportement fautif de la part de la société Louis Vuitton à l’aune des éléments produits « même pris en combinaison », en soulignant que le risque d’association « déduit de commentaires de quelques internautes sur les réseaux sociaux » est insuffisant.

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