Plateformes en ligne : Rappel par la CJUE de leur exonération de responsabilité en l’absence de rôle actif

Type

Veille juridique

Date de publication

31 janvier 2022

CJUE 22 juin 2021, Affaires C-682/18 et C-683/18

Dans cette décision du 22 juin 2021, la Cour de justice de l’Union Européenne s’est prononcée sur les conditions dans lesquelles l’exploitant d’une plateforme d’hébergement et de partage de contenus peut être responsable en cas de mise en ligne de contenus illicites par ses utilisateurs.

En l’espèce, la Cour fédérale allemande était saisie de deux recours différents. Le premier recours était celui d’un producteur de musique contre la société YouTube LLC à propos de la mise en ligne sur sa plateforme de phonogrammes par des utilisateurs sans son autorisation.

Le second était un recours effectué par la société Cyando à la suite de la mise en ligne sur sa plateforme d’hébergement et de partage de fichiers « Uploaded » d’ouvrages sur lesquels la société Elsevier détenait les droits exclusifs et dont elle contestait la mise en ligne.

La CJUE confirme d’abord sa position jurisprudentielle sur la question de la responsabilité des plateformes en ligne, à savoir que « l’exploitant d’une (…) plateforme d’hébergement, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, n’effectue pas une « communication au public » de ceux-ci, au sens de l’article. 3§1 de la directive 2001/29 à moins qu’il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d’auteur  ».

Une telle contribution à cet accès est avérée lorsque l’exploitant a adopté un modèle économique incitant les utilisateurs de sa plateforme à procéder illégalement à la communication au public de contenus protégés sur celle-ci. Plus concrètement, la responsabilité de l’hébergeur pourra par exemple être retenue lorsque :

  • informé des atteintes aux droits d’auteurs pratiqués par les utilisateurs, il s’abstient d’intervenir techniquement pour bloquer ces pratiques et « contrer de manière crédible et efficace des violations du droit d’auteur » ;
  • il « participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public, fournit sur sa plateforme des outils destinés spécifiquement au partage illicite de tels contenus ou promeut en connaissance de cause de tels partages  ».

La Cour considère ensuite que l’activité de l’exploitant d’une plateforme de partage de vidéos ou d’une plateforme d’hébergement relève du champ d’application de l’article 14§1 de la directive sur le commerce électronique, lequel exonère de responsabilité l’hébergeur du fait des actes illicites commis par les utilisateurs, pourvu que cet hébergeur ne joue pas un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance des « actes illicites concrets de ses utilisateurs » sur les contenus téléversés sur sa plateforme.

La portée de cet arrêt reste cependant limitée car il est rendu sur le fondement des directives en vigueur au moment des litiges en cause : les directives 2001/29 sur le droit d’auteur et 2000/31 sur le commerce électronique.

La solution pourrait à l’avenir être différente au regard de la nouvelle directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique dont l’article 17 instaure un nouveau système de responsabilité des fournisseurs de service de partage de contenus en ligne plus strict.

Partant du principe que les plateformes de contenus accomplissent des actes de communication au public, leur responsabilité ne pourra être désormais écartée que s’ils justifient :

  • avoir fait « les meilleurs efforts » pour obtenir une autorisation du titulaire de droit et garantir l’indisponibilité des œuvres protégées ; et
  • avoir agi « promptement » pour bloquer l’accès à l’œuvre.
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