Reconnaissance de la force probante du constat d’huissier sur archive.org

Type

Veille juridique

Date de publication

28 octobre 2019

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2, 5 juillet 2019, RG n° 17/03974 ; Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2, 4 octobre 2019, RG n° 17/10064

Depuis 1996, l’organisation de droit californien à but non lucratif, The Internet Archive, a créé un service permettant de consulter les différentes versions d’un même site au fil des années et aux dates auxquelles un archivage a été réalisé : la Wayback Machine.

Le site d’archivage présente un intérêt tout particulier en droit de la propriété intellectuelle, par exemple pour prouver la date d’exploitation d’une marque ou la date de divulgation, d’une modèle ou d’une invention.

Pourtant, les juridictions ont majoritairement estimé que la valeur probante des constats sur archive.org était insuffisante, en raison de l’exploitation du service d’archivage par un tiers et de l’absence d’information quant aux conditions de fonctionnement du site.

Par deux arrêts récents des 5 juillet et 4 octobre 2019, la Cour d’appel de Paris a opéré un changement significatif d’appréciation de la force probante des constats d’huissier sur le site www.archive.org.

Dans la première affaire, le propriétaire d’un site répertoriant des centres de montage de pneus reprochait à une société d’avoir commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur et de producteur de base de données ainsi que des actes de concurrence déloyale en reprenant sans autorisation des éléments de son site internet.

La deuxième affaire concernait une action en contrefaçon de brevet intentée par le titulaire d’un brevet et la société commercialisant les produits mettant en œuvre ce brevet. La recevabilité à agir de cette dernière était contestée. Dans les deux affaires, les demandeurs produisaient des constats d’huissier de pages de leur propre site internet extraites du site www.archive.org, afin de prouver pour l’un la date de création de son site et pour l’autre la date de commercialisation des produits mettant en œuvre le brevet.

Les débats se sont donc portés sur la validité et la force probante de ces constats d’huissier.

Concernant leur validité, la Cour estime dans la première affaire, qu’elle résulte du respect par l’huissier des prérequis techniques propres aux constats sur internet, qui en l’espèce étaient remplis.

Quant à la force probante de ces constats – ce qui renvoie à la capacité d’une pièce à emporter la conviction du juge – la nouvelle position de la Cour peut être résumée en deux temps.

Tout d’abord, la Cour estime que le constat réalisé sur un site d’archivage n’est pas dépourvu de toute force probante du seul fait que le site ne garantisse pas son contenu.

Ensuite, la Cour relève dans chacune des affaires qu’aucun élément de preuve contraire ne permettait de remettre en cause la fiabilité des extraits, et elle conclut que la preuve de la version archivée était ainsi réalisée.

Sur ce point, la nature des éléments de preuve qui pourraient contredire le contenu d’un tel constat est bien incertaine, et ce faisant le constat d’huissier sur www.archive.org semble désormais bénéficier d’une forte valeur probante.

Cette nouvelle position est dans la lignée de celle déjà adoptée par plusieurs grandes institutions, telles que le centre d’arbitrage de l’OMPI, la division d’annulation de l’EUIPO et l’OEB, qui ont retenu notamment le caractère automatisé de l’archivage pour juger de la fiabilité du site The Internet Archive.

La solution est donc positive en matière de preuve pour les futurs procès en contrefaçon, que ce soit pour prouver les droits invoqués ou les faits reprochés.

La question demeure de l’extension de la force probante du constat d’huissier sur internet à d’autres services numériques similaires, tels que Google Maps, Google Street View ou encore Google Cache.

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