Vente en ligne de médicaments

Type

Droits des contrats - distribution - concurrence - consommation

Date de publication

5 avril 2018

Les contentieux relatifs à la vente en ligne posent des questions délicates, en particulier dans le secteur de la vente de médicaments, entre liberté du commerce et protection du marché et des consommateurs.

Pour rappel, la vente en ligne au public de médicaments est encadrée par la directive n°2011/62/UE du 8 juin 2011, transposée en droit interne par l’ordonnance du 19 décembre 2012 et insérée au sein du Code de la santé publique. Elle prévoit que la vente en ligne de médicaments n’est autorisée « que pour les médicaments de médication officinale qui peuvent être présentés en accès direct au public en officine » . Notons qu’un arrêté du 20 juin 2013, vivement critiqué par l’Autorité de la concurrence, préconisait les bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique. En vigueur à la date de l’assignation dont il est question dans l’affaire commentée, l’arrêté avait été annulé par un arrêt du Conseil d’Etat le 16 mai 2015.

En l’espèce, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (l’UGPO) a assigné en 2016 la plateforme Doctipharma.fr (ainsi que son hébergeur) pour actes de vente et de publicité illicites. Selon l’UGPO, la plateforme a les caractéristiques d’une société commerciale alors même que la vente de médicaments est uniquement réservée aux pharmaciens.

En défense, Doctipharma.fr affirme qu’elle agit uniquement comme un prestataire de services fournissant un service « clé en main » et complexe aux pharmaciens qui délivrent, eux-mêmes, par le biais de la plateforme, des médicaments sans ordonnance à leurs patients. En première instance, le tribunal suit le raisonnement de l’UGPO ; la vente en ligne de médicaments sans ordonnance est illicite parce que le pharmacien « ne maîtrise pas les conditions dans lesquelles son activité de commerce électronique de médicaments est exercée ».

Doctipharma.fr interjette appel de la décision et, dans un arrêt rendu le 12 décembre 2017, la Cour d’appel de Versailles infirme le jugement rendu en première instance. Le raisonnement de l’appelante est suivi par les juges du fond.

Ainsi, la plateforme considère qu’elle ne joue « pas de rôle actif dans l’activité de vente en ligne de médicaments, laissée sous le contrôle et la maîtrise exclusive des pharmaciens d’officine dans le respect de leur monopole officinal ».

Pour les juges, cet argument est recevable à plusieurs égards.

D’une part, les conditions générales d’utilisation de la plateforme sont claires et conformes aux dispositions du code de la santé publique : en effet, elles énoncent que « Tout acte de vente en ligne de produits de santé intervient exclusivement entre chaque Pharmacien et les internautes utilisateurs… ».

D’ailleurs, pour illustrer le fonctionnement de la plateforme, la Cour d’appel donne l’exemple d’un pharmacien marseillais qui dispose d’une page d’accueil personnalisée et illustrée de la photo du pharmacien sur laquelle figure ses coordonnées et un onglet contact. Ayant observé l’ensemble de ces éléments, le tribunal conclut que le site « n’enfreint pas les dispositions du Code de la santé publique (…) dès lors qu’il n’interdit pas que ceux-ci aient recours à une plateforme commune comme support technique de leurs sites ».

Enfin, les juges de la cour d’appel reviennent brièvement sur la qualification d’intermédiaire commercial de la plateforme alléguée par l’Union ; ils finissent par l’écarter aux motifs que la plateforme n’effectue pas d’actions de marketing sur les médicaments, ni n’offre de promotion commerciale. Enfin, le rôle d’intermédiaire n’est pas caractérisé par le système de paiement unique, simple prestation technique de mise à disposition des pharmaciens.

Bien que cette décision ne soit peut-être pas définitive, dans l’attente d’un éventuel arrêt de la Cour de cassation, elle s’inscrit dans un courant de libéralisation du marché amorcé depuis de nombreuses années en ce qui concerne la vente de médicaments en ligne sans ordonnance. En effet, la Cour de justice des communautés européennes avait considéré que la législation allemande de l’époque, interdisant de façon absolue la vente par correspondance des médicaments instituait une mesure interdite conduisant à une restriction de l’importation ; la seule limitation envisageable étant la restriction des ventes de médicaments soumis à prescription médicale.

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