Discours sur la confiscation par la chambre criminelle de la Cour de cassation

Type

Droit Pénal

Date de publication

3 juillet 2014

ACTION EN RESTITUTION APRÈS CONFISCATION : LES DROITS DU TIERS PROPRIÉTAIRE – CASS., CRIM. 8 JANVIER 2014, N°12-88072

Cet arrêt permet à la Chambre criminelle de préciser les droits du tiers propriétaire d’un bien faisant l’objet d’une confiscation prononcée à l’encontre du condamné.

En l’espèce, la compagne d’une personne condamnée a exercé un recours en restitution sur le fondement de l’article 41-4 du Code de procédure pénale, après le prononcé de la peine complémentaire de confiscation d’un compte d’assurance-vie lui appartenant.

La Cour de cassation affirme que l’article 41-4 n’est pas applicable lorsque le bien a été confisqué par la juridiction de jugement, dès lors que cet article concerne les cas dans lesquels aucune juridiction n’a été saisie ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets.

Elle précise néanmoins que la demande en restitution d’objets saisis, formée postérieurement au jugement, doit être considérée comme un incident contentieux relatif à l’exécution d’une décision pénale et relève à ce titre de l’article 710 du Code de procédure pénale.

Dès lors la demande devra se fonder sur l’article 710 du Code de procédure pénale et être portée « devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ».

Afin de contester la confiscation du bien, le propriétaire du bien devra alors, aux termes de l’article 131-21 du Code pénal, soit démontrer sa bonne foi – ce qui fera obstacle à toute confiscation – soit démontrer que la personne condamnée n’avait pas la libre disposition dudit bien, soit justifier d’une origine non frauduleuse.

EN MATIÈRE DE CONFISCATION, LA BONNE FOI CONDITION DE L’INTERVENTION VOLONTAIRE – CASS., CRIM. 15 JANVIER 2014, N°13-81874

Continuant sur la lancée, l’arrêt du 15 janvier 2014 de la Chambre criminelle précise que l’intervention volontaire du tiers, propriétaire du bien confisqué, n’est recevable que lorsque celui-ci est de bonne foi.

En l’espèce l’unique gérant d’une société a été condamné pour conduite sans permis en récidive et excès de vitesse en récidive aux peines d’emprisonnement, d’amende et de confiscation du véhicule ayant servi à commettre les infractions. La société, propriétaire du véhicule, est intervenue volontairement en cause d’appel afin de s’opposer à la confiscation de son véhicule.

La Cour d’appel a déclaré irrecevable l’intervention volontaire de la société au motif que « si l’article 131-21 du code pénal fait référence aux droits du légitime propriétaire, encore faut-il que celui-ci soit de bonne foi ce dont la cour doute puisque le prévenu est le gérant unique de cette société ».

De manière étonnante la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel considérant que « les juges ont souverainement apprécié, par une motivation exempte d’insuffisance comme de contradiction, que ladite société n’était pas propriétaire de bonne foi ».
Cet arrêt appelle ainsi deux observations majeures.

D’une part, au lieu d’être une condition de fond de la confiscation, la bonne foi est élevée par la Chambre criminelle au rang de condition de recevabilité, plaçant ainsi le propriétaire tiers de mauvaise foi dans une situation très précaire, en lui déniant le droit de faire valoir ses arguments lors du procès.

Cette solution est d’autant plus critiquable que la mauvaise foi du tiers n’est pas une condition suffisante pour permettre la confiscation, la libre disposition du bien par la personne condamnée doit également être démontrée.

D’autre part, la « motivation exempte d’insuffisance comme de contraction » de la Cour d’appel, qui se borne à relever qu’un doute existe sur la bonne foi de la société du fait que le prévenu en est l’unique gérant, laisse perplexe et met en exergue la faiblesse du principe d’autonomie des personnes morales vis-à-vis de leurs représentants personnes physiques.

CASS., CRIM., 29 JANVIER 2014, N°13-80062

En l’espèce, un couple faisait l’objet d’une information ouverte du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants, permettant au juge d’instruction d’ordonner des saisies pénales spéciales (art. 706-150 et 706-156 du Code de procédure pénale) de tous les biens quelque soit leur nature dont les mis en examens sont propriétaires ou ont la libre disposition, sous réserve des droits des tiers de bonne foi (art.131-21 al. 6).

A nouveau, les biens saisis appartenaient à des tiers, à savoir une SCI dont les époux étaient les seuls porteurs de part et une société exploitant le fonds de commerce saisi dont l’épouse était seule porteuse de part.

A l’instar de l’arrêt du 15 janvier 2014 précédemment évoqué, les deux personnes morales propriétaires des biens saisis ont été considérées comme de mauvaise foi.

Cependant, dans cette espèce, d’une part l’infraction reprochée était une infraction procurant des profits, permettant de douter de l’origine des fonds investis dans les personnes morales par les mis en examen, et d’autre part la cour d’appel pointait des éléments permettant de conclure que les sociétés constituaient des structures écran, destinées à justifier les ressources des mis en examen.

BIENS SAISIS NON CONFISQUÉS : 6 MOIS SINON RIEN – CASS., CRIM., 19 FÉVRIER 2014, N°13-81159

Par cet arrêt la Cour de cassation rappelle que, suite au jugement, le délai de 6 mois pour demander la restitution d’un bien saisi non confisqué est un délai impératif au-delà duquel le bien, devenu propriété de l’Etat, ne peut plus être récupéré.

Cette jurisprudence n’est pas nouvelle, le point de départ du délai ayant déjà fait l’objet de décisions de la part de la Chambre criminelle, notamment en cas d’appel suivi d’un désistement. Pour autant, elle demeure critiquée en raison de l’atteinte importante portée au droit à la propriété garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

En outre, le principe posé par l’article 132-17 du Code pénal, selon lequel aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l’a expressément prononcée (principe ayant conduit à la suppression du Code pénal de l’ensemble des peines accessoires qui étaient automatiques) semble mis à mal par cette jurisprudence, la perte du droit de propriété pouvant s’analyser en une peine supplémentaire.

Un Homme averti en valant deux, il est important d’agir dans les 6 mois de l’épuisement de sa saisine par la dernière juridiction pour demander la restitution d’un bien saisi non confisqué.

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