La protection de la confidentialité dans le procès : secret d’affaires et secret professionnel de l’avocat

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

21 juin 2016

La Cour de cassation, dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 25 février 2016 (n°14-25.729, Jurisdata n°2016-003097), intervenant seulement quelques semaines avant l’adoption par le Parlement Européen de la Directive sur le secret d’affaires, vient de se prononcer sur la portée du secret professionnel de l’avocat face au secret d’affaires lors d’un procès.

L’objet du litige portait sur la communication de pièces entre les parties. Le Président d’un Tribunal de commerce, saisi par voie de requête en vertu de l’article 145 du Code de Procédure Civile, avait désigné un huissier de justice afin qu’il saisisse et place sous séquestre certains documents informatiques détenus par le défendeur.

A la suite d’une assignation en référé délivrée afin d’obtenir la communication des pièces saisies et détenues par l’huissier, le juge avait procédé, avec le défendeur et son avocat, au tri des documents pouvant être communiqués au demandeur. Le demandeur et son conseil n’étaient donc pas présents lors de ce tri.

Le demandeur avait interjeté appel de l’ordonnance du juge des référés arguant du non-respect du contradictoire. Il soutenait qu’il aurait dû être présent, ou représenté, lors du tri des documents.

La Cour d’appel de Paris a donné raison au demandeur en censurant l’ordonnance de référé. La Cour a ainsi ordonné une nouvelle audience pour le tri des documents. Selon les juges, seuls les avocats des deux parties pouvaient être présents lors du tri des documents afin de pouvoir discuter de la communication desdites pièces, la protection due au secret d’affaire étant assurée par le secret professionnel des avocats.

Le défendeur a formé un pourvoi en cassation arguant du fait que le secret professionnel de l’avocat ne protègerait pas efficacement le secret d’affaires dans la mesure où le secret professionnel de l’avocat ne joue pas à l’égard de l’adversaire du client de l’avocat.

Finalement, le 25 février 2016, la Cour de Cassation fait droit au pourvoi au motif « que le secret professionnel des avocats ne s’étend pas aux documents détenus par l’adversaire de leur client, susceptibles de relever du secret des affaires, dont le refus de communication constitue l’objet même du litige ».

Par cet arrêt, antérieur à l’adoption de la Directive, la Cour de Cassation renforce la protection du secret d’affaires dont elle estime que la confidentialité n’est pas couverte par le secret professionnel de l’avocat.

Cette position pourrait être remise en cause par la Directive sur le secret d’affaires.

L’article 9 de la Directive prévoit une « protection du caractère confidentiel des secrets d’affaires au cours des procédures judiciaires ».

A cet égard, les Etats membres auront l’obligation de veiller à ce que les autorités judiciaires, à la demande d’une partie ou d’office, puissent qualifier de confidentielles certaines informations au titre du secret d’affaires.

Les tribunaux auront la possibilité d’imposer :

  • des « cercles de confidentialité » en autorisant l’accès à certaines pièces du dossier qu’à un nombre limité de personnes ;
  • ou encore de restreindre l’accès aux audiences à un nombre limité de personnes, de même que l’accès aux procès-verbaux ou notes d’audience, dans la mesure où des secrets d’affaires allégués seraient susceptibles d’y être divulgués.

Le considérant 25 du préambule de cette Directive précise que ces personnes devront être soumises aux obligations de confidentialité. Il indique en outre que, s’agissant du cercle restreint de personnes, il « devrait dès lors comprendre au moins une personne physique pour chaque partie, ainsi que l’avocat de chaque partie et, le cas échéant, d’autres représentants disposant des qualifications appropriés conformément au droit national pour défendre, représenter ou servir les intérêts d’un partie dans les procédures judiciaires couvertes par la présente Directive ». Il est encore précisé que « toutes ces personnes devraient avoir pleinement accès à ces éléments de preuve ou ces audiences ».

Or, cette solution du « cercle de confidentialité » autoriserait ainsi l’avocat du demandeur à être présent lors du tri des informations relevant ou non du secret d’affaires, contrairement à ce qu’a jugé la Cour de cassation le 25 février dernier.

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