L’épineuse question du tiers acheteur dans le constat d’achat – Arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 25 janvier 2017, n°15-25.210

Type

Propriété intellectuelle / Nouvelles technologies / Communication

Date de publication

17 février 2017

Pour se constituer la preuve de faits de contrefaçon, les requérants ont régulièrement recours au constat d’achat, qui consiste à faire établir avant tout procès un constat d’huissier destiné à démontrer la commercialisation d’un produit contrefaisant dans une boutique ou sur un site en ligne.

Selon une jurisprudence traditionnelle, l’huissier de justice ne peut effectuer lui-même l’achat dans le cadre d’un constat d’achat en boutique. Il doit se borner à décrire dans un procès-verbal les constatations matérielles qu’il a réalisées de l’achat effectué par un tiers.

S’agissant du tiers effectuant l’achat du produit litigieux, il était possible encore il y a peu qu’il ait des liens avec le requérant ou avec l’avocat du requérant. Cela n’est désormais plus possible.

En effet, par un arrêt du 25 janvier 2017, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt d’appel du 2 juin 2015, dans lequel il avait été admis qu’un stagiaire du cabinet d’avocat de la société requérante pouvait procéder à l’achat, dès lors qu’aucun stratagème déloyal ne lui avait permis de procéder à l’achat.

Dans cette affaire, la société G-Star Raw estimait que la société H&M commercialisait un modèle de jean reproduisant les caractéristiques de l’un de ses modèles, et l’avait assignée en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale, après avoir fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon et de constat d’achat. Ayant été condamnée en appel, la société H&M a formé un pourvoi afin de contester la recevabilité de la société G-Star Raw à agir en contrefaçon, et de contester la validité ou la recevabilité d’un procès-verbal de constat d’achat versé aux débats. Selon la société H&M, l’intervention d’un membre du cabinet d’avocat de la requérante pour effectuer l’achat constaté par l’huissier violait le principe d’égalité des armes prévu par l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et portait atteinte aux droits de la défense et au principe de loyauté dans l’administration de la preuve.

La Cour a retenu cette argumentation en affirmant que le droit à un procès équitable commande que la personne qui assiste l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat et qui procède à l’achat du produit, soit indépendante de la partie requérante.

Cette décision pose de nombreuses questions pratiques. En effet, les cabinets d’avocats ne pourront plus recourir à leurs stagiaires pour assister les huissiers dans leur mission de constat, au risque de voir annuler ou rejeter les procès-verbaux lors du procès en justice. Ils devront s’adresser à des personnes n’ayant aucun lien avec l’affaire en cause, personnes qui restent à déterminer, ce qui va nettement complexifier la procédure. Certains auteurs envisagent la création d’une profession de tiers « certifiés » qui proposeraient leurs services contre rémunération.

Le constat d’huissier était une manière simple, extra-judiciaire et peu coûteuse de rapporter la preuve d’actes de contrefaçons. Or, à la lecture de cette décision, les requérants pourraient privilégier la procédure judiciaire de saisie contrefaçon, procédure plus complexe et onéreuse, mais permettant une preuve efficace et certaine.

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